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Donc la Société est injuste.

Il la détesta. Ce qui fait du mal, le meuble pointu où il se cogne, semble à l’enfant une volonté méchante. Le sort n’a pas pu m’être contraire. On a triché. Haine de mauvais joueur. Je souffre : donc on me fait mal. Moi qui devrais… Non !… qui voudrais ! Il confondait. Mais son désir, si vif ! brillait comme l’évidence.

Ainsi, avide, sans mesurer, sans choisir les morceaux, il se jeta sur la science pour la dévorer toute.

Il apprit, et d’abord apprit son ignorance. Il s’acharne et il la voit de plus en plus. Comme l’alcool attise la soif de l’ivrogne, la science qu’il engloutit semble gonfler l’inconnu. Et de nouveau la volonté méchante surgit. Il ne comprend pas les livres. Ardue, la science revêt une langue indéchiffrable. Il rage, redouble d’efforts… Mais on ne passe pas.

Soit, il escaladera. D’autres s’y rompent les os, lui le cerveau. Entrer dans la science par la fenêtre ! Impossible, le mur est trop haut. Tout là-bas, il faut prendre la petite porte, attendre, supplier. Que d’attentes, de corridors, de vestibules ! Les portes partout fermées, et les escaliers noirs…

Lui, ne peut pas attendre.

Il abat la muraille.

Tout ment. Tout veut le tromper. Et comme la Société mal faite, la Science est fausse. Encombrée de tout l’inutile qu’elle charrie, la Société comme la Science est bloquée. Jamais on ne sera heureux. Jamais on ne saura tout !

Qui donc ment ? Toi ! qui dis venir ici pour t’instruire, et ne cherches qu’à dérober des mobiles d’actions, toi qui étudies pour agir, non pour savoir, et te hâtes, entré furtivement dans la maison, de parcourir vite des yeux, cherchant vite et seulement ce qu’on peut emporter.

Vaine ardeur à savoir : ardeur intéressée. Non, il ne se forgeait pas une machine à comprendre, il entassait des provisions pour une guerre, pour les jours de famine de l’action aux abois ; prenant l’outil il ne cherchait pas comme on s’en sert, mais la façon dont on pourrait en faire une arme.

Il était venu chercher la foi.

Pour charger en furieux, on se bande les yeux. Et il exige de la science la force d’agir ! Mais c’est la foi, la foi aveugle qu’il demande !

Si la science l’y menait ? Non. Elle s’arrête là où commence la foi. Ce qu’il cherchait, c’était une foi de l’ici-bas !

Il s’entêtait, il entassait, il s’enfonçait. La foi reculait toujours.

Table rase de tout ce qu’il a appris, qui ne lui sert pas, et table rase de la société, pour tout reconstruire. Il en rejette en bloc toutes les institutions.

S’il ne s’était agi que de pensées… Table rase ! On les remettra en ordre, l’une après l’autre, si l’on en garda une. Mais il s’agis-