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TEXTES SURREALISTES

Georges Bessière :

O toi, dans la solitude, réveil de mon passé, tel un chant de cascade au loin, apporte-moi pour m’édifier la poésie de tes conseils.Je laisse tout pour t’écouter et me griser et rendre plus souples les boucles blondes de mes cheveux ; devant la beauté de ce jardin sauvage, inculte, ma conscience, ma conscience est !a multitude innombrable des fruits aux branches par millions ; je suis son mystère impénétrable, sa virginité, son azur, son sang à l’aurore et au crépuscule ; nuit du présent, tombe sur mes horizons, tombe sur mes plaines, tombe sur mes montagnes, tombe sur mes fleuves, tombe sur la plus petite des mottes ; à cause de ton grand air et de tes étoiles, de ton clair lunaire, de ton voile sur le visage de l’adversaire, je me sertirai de toute ma cénesthésie; la sève innée, celle en moi qu’on hait ou adore, celle qui soulève ma vie telle une coquille de noix, me berce mieux déjà ; elle a envahi le coeur, les cheveux, les pensées, la chair, les doigts ; c’est l’heure première des sept nuits magiques ; la bousculade se précipite, selon les potentiels croissants et décroissants d’harmonie ; elle monte à l’assaut de ma stabilité, caravane de sauvages primitifs, avec leurs flûtes de roseau, leurs clairons, leurs lyres, leurs plaintes, leurs gémissements, leurs hurrahs de vertige ou de joie, leurs sens exaltés, leurs yeux hagards, leurs muscles tendus, leurs torses nus ; c’est, l’heure première des sept nuits magiques, l’heure violente, vague géante qui m’arrache à la plage commune ; et je m’abandonne à elle pour son angoisse, sa folie; je deviens l’addition discontinue de toutes ces forces qui s’interpénétrent, et me soulèvent au point où je puis placer la lentille convergente de ma lucidité pour que s’y mire le mouvement de toutes ces associations.

Tombe, nuit du présent, sur mes horizons, sur mes plaines, sur mes montagnes, sur mes fleuves, sur la plus petite des mottes. Calme, équilibre surnaturel, acrobaties sans danger, acrobaties incroyables, voltiges effrayantes, le domaine de toutes les possibilités s’étend à perte de vue devant mes yeux dont le regard n’eut jamais autant de puissance incisive, nihiliste, rcconstructrice ; les voici surgir sans soutien, ces architectures protéiformes, marbres et ors solubles, cuivres, diamants éthérés, signés de noms sans différence; où donc gis-tu, réalité, ô triste et laid cimetière automnal, avec tes mendiants, tes morts, tes grilles ?... Une vitre épaisse tomba sans se briser entre nous, de la buée sur les deux faces, nous ne nous voyons plus, mort le parallélisme ! Tu ne changeras pas, mais de mon côté, ma tête ne se cogne plus aux murs. Je glisse, eau ou larme, ignorant du souci ancien, selon les capricesdu mouvement spontané, et rien ne me griffe au passage, parce que mes enfants me ressemblent, poèmes, portraits, peintures, et qu’ils ne sont plus mes adversaires.

C’est la mort prématurée ; j’ai dépassé la vie des hommes ; j’attends sans effroi celle posthume, car depuis cette première heure de mes sept nuits magiques, mon destin est sans scories, avec une musique plus céleste que celle des astres l’un après l’autre, allant encore, pour aller toujours, une musique plus brûlante que celle des flammes, des flammes-torses, des flammes javelines, des flammes vibrantes, nonchalantes, furieuses, valseuses. Les cendres tombent, s’écroulent, un hymne gris est chanté au silence — brouillard ; collines consumées, dévastations qui s’inaniment enfin,fusions jaunes et bleues vers l’incolore, mes doigts les mélangent, mes doigts les ressuscitent, et les reflètent dans le sfumato de mon âme incendiée, vieille capitale défunte, mais...

ETERNELLE

J’ai soif de lignes immortelles; car, je veux que le soleil assassin me retrouve fort et les muscles longs. Il me faut présenter aux prochaines aurores des cheveux et des yenx où s’est distillée la lueur des lunes vieillissantes. O feuilles mortes, ô feuilles jaunes, ô les vies des feuilles qui se soulèvent, et: se reposent, et se traînent, entamez la symphonie de mes nuits magiciennes,

. sans crainte, sans crainte ; |e ne suis pas un étranger, puisque mon coeur est parmi vous, racorni, tombé de ses artères, et qu’il va du sentier au ruisseau, du ruisseau aux clairières, pauvre bloc sec de parchemin, où s’est gravée cette douleur vespérale hurlée par vos colères aux nuages hypnotiseurs d’automne. ..

Pierre Naville :

La nacelle ennuyeuse vogue et voyage sur mon corps perdu et biens. Elle veut recevoir de mes mains seules la profession de foi que j’ai annoncée depuis beaucoup d’années et n’ai jamais eu le.temps de formuler convenablement. On ne pourra d’ailleurs pas m’objecter la plate suffisancede mes prétentions, car je ne veux pas me rassasier de paroles ; je marchande mon désespoir ; qui veut n’a pas cette faculté de s’arrêter au hasard des rues, aux ficelles du matin, aux religions féroces. Moi seul de ce