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CHRONIQUES

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que la nouveauté, au sensJe plus fantaisiste du mot, passait en toutes matières pour un critérium suffisant.Hors d’elle il n’était pas de salut : elle justifiait avec insistance des tentatives dérisoires en peinture, en poésie. D’expériencevalable aux confins de la vie et de l’art, de preuve par l’amour, de sacrifice personnel, pas trace. Il s’agissait à tout prix d’y remédier. Force fut, pour cela, d’envisager un mode de consultation publique qui résolût, à la manière d’un plébiscite, la question qui, bien qu’on la perdît de vue, continuait à se poser et se posera toujours, n’étant rien moins que cellede la neutralité de l’esprit. L’action intellectuelle sera-t -elle subjective, objective ; et dans quelle mesureengagera-t -elle, en définitive, la volonté universelle dont, à la fin du dix-neuvième siècle, on affecta de ne plus tenir compte ? C’est au surréalismede se prononcer. N’est-ce pas nous, en effet, qui demandons les premiers, non la destruction des musées et des bibliothèques, mais — ce qui est plus grave

l’abolition des privilègesartistique, scientifique et. autres et, pour commencer, la libération désintéressée, l’isolement, de cette substance mentale commune à tous les hommes, de cette substance souilléejusqu’ici par la raison ? Avec le surréalisme nous avons la prétention d’établir au centre du monde et de nous-mêmes une inquiétante machine qui suppléera à la force intellectuelle comme toute autre à la force physique. Noustravaillons à son perfectionnement et ne doutons pas qu’elle soit un jour en mesure de pourvoir à toutes nos dépensesd’énergie. Si quelque chose doit nous en convaincre, c’est bien le fonctionnement du Bureau de recherches surréalistes, 15, rue de Grenelle. De toutes parts on nous adresse des récitsde rêvescl:quantitéd’autres documents. Nousréservonsun grand nombre de communicationsqui nous sont faites, pour les produire en temps et lieu. Enfin nous ne saurions trop répéter que nous sommes prêts à accueillir favorablement toutes les initiatives surréalistes, d’où qu’ellesviennent. Nous tenons, d’autre part, à insister sur le caractère purement révolutionnaire de notre entreprise, en fonction duquel on nous trouvera toujours aux côtés de ceux qui sont prêts à donner leur vie pour la liberté. Nous lancerons autant d’appels qu’il faudra. Ce qui se passe au Bureau de recherches surréalistes, en décembre 1924,ne saurait détourner toute notre attention de ce qui se produit au dehors. Je demande en grâce à certains de mes amis de ne pas combattre l’activité, peut-être toute extérieure au surréalisme, mais haute de mobiles, de Pierre Morhange.

Que l’actualité

politique elle-mêmeserve au moins à nous renseigner sur le progrès de la maladie de ce temps, d’ailleurs incurable.

Evitons toute spéciali-

sation : est-il un chapitre auquel le surréalisme n’ait voix ? Tournons-nous vers l’Orient, d’où commencent à nous venir des encouragements immenses. La poésie s’apprête à passer sur un pont. C’est Paris !

Dans cet étrange tableau, mais ceci pour moi seul, pourquoi figure donc au premier plan une grande et merveilleusecoque de satin blanc qu’on m’a dit être le divan de Madame Sabatier ? André BRETON.

MARCELPROUST,par GeorgesB1ÏSS1ÈRE. Le Sommeil

Je ne sais pas découper

Les géologuesne doutent de rien et trouvent la vie toute simple car du globe dont ils s’occupent, ils ont réussi à faire une petite boule de mosaïques apprivoisées et démontables. Ils coupent la terre en deux et après cette opération nous offrent, un moka idéal et saugrenu d’ères successives.Et le tour est joué, le tour d’ailleurs a semblé si facile que nos psychologuesdurant: des siècles s’y sont essayés. Peine perdue. Les éléments demeuient en fusion. La tranche de vie est un lambeau de brouillard tristement sanglant et il nous faut encore compter avec les douloureuses surprises des rêves.