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dans une seule et même publication et les gravures et le texte qui les a inspirées au dessinateur ?

Si maintenant nous passons aux grandes éditions des ouvrages qui font partie du domaine public, est-il possible de croire qu’elles doivent leur naissance à la condition où se trouvent les ouvrages reproduits, c’est-à-dire à ce qu’ils ne sont plus une propriété privée ? Croit-on même que cette condition soit favorable pour ces éditions ? Comme les Estienne et les autres grands éditeurs des premiers temps de la typographie, un certain nombre de libraires modernes peuvent appliquer leur intelligence et leurs capitaux à éditer des éditions revues, annotées, enrichies de commentaires et exécutées avec la plus grande correction et le plus grand luxe typographique. Mais les circonstances sont toujours les mêmes ; la seule différence est que les éditeurs de ces beaux livres n’attendent aucun privilége de l’autorité. Ils savent que leurs éditions si coûteuses, si laborieusement faites, sont exposées, à peine sorties de la presse, à devenir la proie du domaine public, qui s’emparera des textes rétablis à grands frais, et reproduira les meilleures notes sans autres changements que ceux nécessaires pour échapper au reproche de plagiat. Dans leur désir de se faire honneur d’un beau livre, ces éditeurs courageux s’exposent au danger sinon d’une ruine, au moins d’un préjudice considérable. Il faut donc dire que ce n’est point à cause du domaine public, mais malgré lui qu’on peut publier encore de belles et bonnes éditions de nos grands écrivains.