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des Mahomets américains, et plus tard, le spiritisme se répandit dans tous les rangs de la société.

Mais ce qu’il y a de plus caractéristique dans toutes ces sectes, dont nous étudions la fécondité d’éclosion, ce fut, à coup sûr, leur unanimité à régler, d’une façon nouvelle, la question du mariage. Les unes le prohibèrent, les autres le restreignirent ; les moins hardies le déconseillèrent. Les « Perfectionnistes », pour mieux marquer le mépris en lequel ils le tenaient, proclamèrent l’amour libre ; mais, en général, le célibat fut considéré comme le régime le plus parlait. Et on le pratiqua sans trop de difficulté. Tous ceux qui, de nos jours, visitent celles des Universités des États-Unis où existe la coéducation, notent, avec un étonnement dont les Américains se divertissent beaucoup, la nature paisible et amicale des liens formés entre étudiants et étudiantes. Cette simple camaraderie les déconcerte. Plus déconcertant encore eût été, à leurs yeux, le spectacle de ces communautés agricoles où jeunes gens et jeunes filles vivaient côte à côte, donnant tous les signes d’une parfaite santé physique, se traitant de frères et de sœurs, et paraissant avoir perdu jusqu’à la notion de l’amour et de la passion. On comprendrait mieux les subtilités et les étrangetés de la femme américaine, si l’on se donnait la peine d’étudier les circonstances à travers lesquelles elle s’est formée. Parmi ces circonstances, il en est une qu’il ne faut jamais perdre de vue ; c’est la disproportion qui subsista longtemps, aux États-Unis, entre l’élément masculin et l’élément féminin. Dans les colonies en voie de formation, cette disproportion est toute naturelle et pour ainsi dire inévitable ; les pionniers du début sont généralement des aventuriers sans famille, qui ne se fixent pas dans le pays, dont ils ouvrent l’accès et se retirent devant ceux qui les suivent. La question des femmes a toujours préoccupé les colonisateurs. Elle se posait déjà en Virginie, vers 1621, et sir Edwins Sandys la résolut d’une façon originale. Il adressa un appel engageant « aux jeunes filles de bonne famille » désireuses de se marier au loin : un grand nombre se présentèrent ; il choisit les plus jolies, celles qui jouissaient de la meilleure réputation et les expédia en Amérique. Une fois débarquées, elles devaient être entretenues aux frais de la Compagnie jusqu’à ce qu’elles eussent rencontré le mari de leur rêve. Celui-ci avait alors l’obligation de rembourser à la Compagnie les frais de voyage de sa future épouse. Il parait que le procédé fit merveille. Par malheur, on ne le renou-