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et ses fausses promesses. Mais la foi y est aussi. La science ne peut rien contre la femme tandis que la femme peut beaucoup pour la foi. Le jeune présomptueux acceptera plus volontiers la solution qui lui viendra en même temps que le bonheur — ou du moins ce que, dans son ignorance de la vie, il nomme le bonheur… »

iv

Les huissiers de l’Élysée, à la silhouette grave, participant à la fois du bedeau et du maître d’hôtel viennent d’introduire dans le salon d’attente deux délégations. La première se compose d’un architecte, de deux ingénieurs, d’un agriculteur et de trois messieurs quelconques. Ils arrivent de la Côte-d’Or pour remercier le président Carnot d’avoir contribué par un don généreux à la création d’une rosière et pour l’inviter à la couronner de ses mains, ce que le Président n’acceptera point. Le refus leur a été communiqué d’avance ; mais n’importe ; ils ont tenu à venir. « C’est plus correct, » a dit l’un des ingénieurs, celui qui tout à l’heure prendra la parole au nom de ses collègues et sur la poitrine duquel fleurit une rosette violette large comme une reine-marguerite. Ils ont tous les sept, la nuque rouge, une redingote noire trop serrée, des bottines vernies et l’air important. Six d’entre eux se tiennent debout près d’une fenêtre ; le septième, l’architecte, s’est étalé dans un fauteuil en tapisserie, les bras ballants, pour indiquer qu’il est radical et se sent à l’aise dans un palais. La seconde délégation est exclusivement militaire. Elle se compose de trois officiers supérieurs en retraite ; ils apportent au chef de l’État un album richement relié en souvenir d’une exposition rétrospective d’art et d’histoire militaires qu’il a bien voulu inaugurer. Entre les deux délégations sont inscrits sur la liste d’audience Albert Vilaret et Étienne de Crussène qui, pour le moment causent amicalement, assis côte à côte sur un canapé.

Le salon renferme encore un ecclésiastique, un général en uniforme et le directeur d’un grand journal parisien qui très pressé ou feignant de l’être, tire sa montre toutes les dix minutes et la compare d’un air rageur avec la vieille pendule Louis vi posée entre deux candélabres du même style sur le marbre blanc de la cheminée. La pièce a évidemment subi des destins variés. Son mobilier est disparate. Elle est encore à demi tendue de damas