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LA NATURE.

sieurs de ces pellicules, représentant un nombre considérable de dépêches, étaient enroulées et enfermées dans un petit tuyau de plume de la grandeur d’un curedent. Cette légère boite aux lettres d’un nouveau genre était attachée à la queue du pigeon. L’oiseau messager ne portait que ce léger fardeau ; à l’arrivée et au départ, on avait soin de marquer sur son aile l’empreinte d’un timbre humide, véritable accusé de réception ou d’envoi.

Un nombre considérable de pages typographiées ont été reproduites par les procédés de M. Dagron et de son collaborateur, M. Fernique. Chaque page contenait environ 5 000 lettres, soit environ 300 dépêches. 16 de ces pages tenaient sur une pellicule de 5 centimètres sur 5, ne pesant pas plus de 5 centigrammes (fig. 2).

Chaque pigeon pouvait emporter dans un tuyau de plume une vingtaine de ces pellicules, qui n’atteignaient en somme que le poids de 1 gramme. Ces dépêches réunies pouvaient facilement former un total de 2 à 3 millions de lettres, c’est-à-dire la matière de dix volumes.

Fig. 1. — Cabinet noir du photographe.

Les Merveilles de la photographie se terminent par quelques aperçus sur l’avenir de cette branche admirable de la physique et sur ses rapports avec l’art.

Les peintres, dit l’auteur, ne sont généralement pas portés à l’admiration de la photographie ; ses procédés physico-chimiques semblent incompatibles avec les sentiments qui les animent ; il leur répugne de placer le collodion à côté de la palette des couleurs à l’huile. Beaucoup d’entre eux sont même d’une sévérité outrée à l’égard de l’art de Daguerre ; il en est qui s’exaspèrent quand on fait devant eux l’éloge d’épreuves photographiques. La photographie, disent-ils, ne compose rien, elle ne donne qu’une copie, un calque inexorable, brutal dans sa vérité. Elle manque de sentiment, nulle flamme de génie ne lui donne la vie, elle est maladroite, elle donne une valeur égale aux masses et aux détails accidentels. Fait-elle un portrait, elle saisit son modèle avec gaucherie, elle dessine mieux les ganses de son habit qu’elle ne sait rendre l’impression de son visage ; l’œil du personnage n’est pas mieux rendu que le bouton de ses manchettes. La photographie, c’est de la mécanique, ce n’est pas de l’art ! Pour produire un bon cliché, disent au contraire les photographes, il faut étudier l’image, choisir et combiner les effets de lumière, ce qui nécessite l’intervention du sentiment artistique. « Le premier cliché obtenu, dit un praticien émérite, l’œuvre est à peine ébauchée. La lumière est un instrument quinteux qui n’obéit jamais d’une manière complète… Il faut que le photographe, appréciant ses défauts et ses qualités, pallie les uns et fasse ressortir les autres. C’est alors, ajoute notre apologiste, que le photographe se montre peintre dans toute l’acception du mot, qu’il fait passer son âme, son génie, si le génie l’anime, dans l’épreuve, qu’il rend la couleur et arrive à cet admirable ensemble, à ces effets qui impressionnent et saisissent aussi vivement l’âme en présence de certains portraits, de certains paysages photographiques qu’en présence de la Joconde ou d’une toile de Ruysdael et du Titien. »

« Dans une suite de vues photographiques, dit un éminent écrivain scientifique, on rencontre tour à tour un van Dyk et un Delaroche, un Metzu et un Decamps, un Titien et un Scheffer, un Ruysdaël et un Corot, un Claude Lorrain et un Marilhat. »

Ces appréciations sont évidemment exagérées. Essayons de nous faire une opinion juste et raisonnable entre ces deux écueils du dénigrement systématique, et de l’admiration trop enthousiaste.

Certes, la photographie offre de graves inconvé-