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LA NATURE.

Quatre-Fils-Aymon et à laquelle se rattache plus d’un incident de la célèbre légende.

En mettant pied à terre sur le pont de la Meuse, notre attention est attirée par des plaques circulaires en fonte, incrustées dans les trottoirs et portant ces initiales : G. M. Lisez génie militaire : ces plaques ferment des chambres de mines destinées à faire sauter le pont en cas de besoin. Voilà de la prévoyance, et cette association des chambres de mines avec la voie ferrée et le télégraphe (peut-être à cause des préoccupations purement pacifiques où nous étions tous) m’ouvrit tout un monde de réflexions dont il ne fallut pour me tirer, rien moins que la rencontre des phyllades siluriens. Ces phyllades, chargés de cristaux alignés de fer oxydulé, sont caractéristiques du terrain que Dumont appelle devillien, parce que c’est à Deville qu’il est spécialement développé. Ici, il renferme par place, des sortes de noyaux, comme des ébauches de cristaux, qui se rapprochent peut-être des mâcles, et souvent des veinules de quartz, ayant une structure fibreuse rappelant un peu celle du bois. De l’oxyde noir et brun de manganèse forme de petits nids entre les fibres de quartz. Le phyllade alterne à maintes reprises avec des couches de quarzite.

Pour arriver au village même de Monthermé, il faut d’abord longer la Meuse sur la rive gauche et passer en face de l’embouchure de la Semois, petite rivière qui vient de Belgique et qui y retourne avec la Meuse. Juste au confluent est une grande usine à fer toute mugissante au milieu du calme.

Après avoir assuré notre gîte et notre souper à l’hôtel de la Paix, nous traversons le pont suspendu pour monter la vallée de la Semois. Comme simple promenade, cette course est délicieuse : la rivière s’infléchit doucement au fond de la vallée ; des bœufs boivent dans l’eau où ils baignent jusqu’au ventre ; un attelage passe à gué ; des femmes font sécher du lin au soleil. Et pendant que tout est dans le bas, d’aspect si paisible, des deux côtés se dressent des masses imposantes de roches nues et démantelées, dominant les profonds bois de chênes qui couvrent leur base.

Fig. 3. — Diceras arietina.

Pour des géologues, le charme de cette vue est encore augmenté par la perspective des récoltes que nous allons faire. Il s’agit en effet de visiter la Roche aux Corpiats (en français : la Roche des Corbeaux), et cette roche offre un intérêt tout spécial. Elle marque dans la série des temps, la limite entre le terrain silurien et le terrain dévonien. Immédiatement superposée au schiste devillien dont nous parlions tout à l’heure et en stratification discordante avec lui, elle représente les premiers dépôts de la mer devonienne. De plus, cette roche est formée d’un poudingue et constitue par conséquent un dépôt littoral.

La Roche aux Corpiats s’avance en promontoire sur le flanc de la montagne et présente l’aspect imposant d’une forteresse cyclopéenne. Nous y recueillons de vrais galets tout pareils à ceux que la mer roule aujourd’hui et qui datent d’une époque si éloignée qu’il n’est aucune mesure à laquelle on puisse rapporter le temps qui la sépare de nous. Souvent, ces galets, par suite des énormes pressions qu’ils ont subies, sont écrasés, aplatis, laminés et, par place, la roche passe à une sorte de schiste. C’est dans ces points qu’il faut redoubler d’attention, car les vagues empreintes qu’on y voit, pourraient bien se rapporter à des encrines ou à quelque autre genre d’animal inférieur.

L’heure nous oblige à retourner à Monthermé. En passant nous entrons dans la petite église de la Val-Dieu, illustrée par les débuts de Méhul, puis dans cette usine à fer que nous avions aperçue en arrivant et où les ouvriers, traînant sur de petits chariots des loupes de fer rouge éblouissantes, les pétrissant sous le marteau-pilon, les étirant entre les rouleaux du laminoir, éveillent l’idée de démons accomplissant quelque œuvre infernale.

Stanislas Meunier.

La suite prochainement. —


NOUVELLES DU MONDE ASTRONOMIQUE
en angleterre.

Quelque opinion que l’on puisse professer sur la meilleurs manière d’observer les deux prochains passages de Vénus, on doit tomber d’accord qu’il est nécessaire de pratiquer les grandes méthodes adoptées par les astronomes du dix-huitième siècle et qui se réduisent à deux, celle d’Halley et celle de Delille.

D’après Delille il faut déterminer la parallaxe de longitude, et d’après Halley la parallaxe de latitude.

Cette dernière méthode nécessite le choix d’observations australes très-voisines du pôle tant pour la passage de 1874 que pour celui de 1882. C’est sur