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LA NATURE.

Ces égouts amènent tous les jours à la rivière une masse d’eau tellement considérable qu’elle représente à elle seule la vingtième partie du débit de la Seine, en tout 260 000 mètres cubes d’eau. Mais si la salubrité de la ville de Paris a été ainsi assurée au prix de ces énormes travaux, il n’en est plus de même pour les pays riverains de la Seine. Une simple promenade d’Asnières à Saint-Germain, sur le fleuve, montrerait surabondamment les inconvénients de ce système. L’eau bourbeuse qui s’échappe des égouts vient s’étaler à la surface du fleuve et y trancher nettement par sa couleur ; des matières grasses, des bulles de gaz, des détritus infects en suspension signalent le parcours de cette rivière coulant dans une autre rivière. Vers Argenteuil seulement, l’eau commence à s’éclaircir, mais alors toutes les matières organiques se déposent sur la rive sous forme de vase noire et nauséabonde. Cela n’est encore rien en temps ordinaire ; il faut juger de l’état des choses lorsqu’un orage violent vient s’abattre sur Paris. Les égouts sont alors complètement lavés par la masse d’eau qui s’écoule ; les usines de Saint-Denis profitent de cette occasion pour envoyer à la rivière tous les résidus nuisibles qu’elles tiennent patiemment en réserve, et l’eau est alors tellement infectée que le poisson, asphyxié, meurt et vient flotter à la surface. Là, subissant lui-même une nouvelle fermentation, il dégage des émanations tellement infectes que les abords du fleuve et les promenades sont complètement désertés par les habitants riverains.

Distribution des eaux d’égout dans la plaine de Gennevilliers.

Les odeurs et les miasmes ainsi produits peuvent être, non-seulement incommodes, mais encore nuisibles à la santé publique : c’est ainsi que M. le docteur Decaisne n’hésitait pas à rapporter les dernières épidémies de diarrhée qui ont sévi à Versailles, dans le commencement de l’année, à l’insalubrité des eaux de la Seine. De pareils résultats créés au détriment de la banlieue ne devaient pas tarder à attirer exclusivement l’attention des habiles et savants ingénieurs qui dirigent le service des eaux d’égouts de Paris ; aussi, vers 1867, des essais furent tentés pour débarrasser le lit du fleuve de ces matières impures. Deux procédés pouvaient être mis en présence : l’un consistait à porter jusqu’à la mer les eaux d’égouts ; l’autre, mille fois plus rationnel, prenait les détritus organiques, les séparait par le colmatage ou par une épuration chimique de la masse du liquide, et les faisait servir aux besoins de l’agriculture. C’est à cette dernière résolution que MM. Mille et Durand-Claye s’arrêtèrent ; depuis cette époque, la ville de Paris, multipliant ses essais et ses expériences, a fait des dépenses considérables pour atteindre le but qu’elle se proposait. Aujourd’hui, que la solution est presque complète, il nous reste à la faire connaître à nos lecteurs.

Si l’on soumet à l’analyse les eaux d’égouts à leur sortie des collecteurs d’Asnières, on constate qu’un mètre cube d’eau contient en moyenne 2k,327 de matières en dissolution et en suspension correspondant