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LA NATURE.

contenant de l’eau, avec plusieurs crabes fluviatiles ou marins, de sorte qu’il y ait évaporation au soleil pendant dix jours, puis on frotte de cette eau, pendant huit jours, tout ce qu’on veut préserver. Arnoldus dit qu’on peut écarter les sauterelles par la fumée de la bouse de vache brûlée ou de la corne gauche calcinée. Pourquoi exclure, superstitieusement la droite, demande le bon Moufet, car la raison et la nature nous montrent que les choses de droite sont préférables à celles de gauche ? Bornons là ces citations dont l’énoncé laisse une triste impression dans sa forme parfois burlesque. Le peu d’efficacité des ressources humaines contre les fléaux suggère ces conceptions étranges, ces chimères destinées à calmer la peur, à reculer l’échéance du désespoir.

Maurice Girard.

LES CYCLONES

(Suite et fin. — Voy. p. 247 et 267.)

LA LOI DES TEMPÊTES.

Le navigateur, dès qu’il est entré dans une des régions du globe où apparaissent les cyclones, doit redoubler d’attention dans l’observation des signes météorologiques et surtout dans celle du baromètre.

Ces régions sont aujourd’hui bien connues et on connaît aussi les limites des époques pendant lesquelles les cyclones sont à craindre.

Dans la zone intertropicale la pression atmosphérique est soumise à des variations diurnes, d’une régularité telle, qu’elles pourraient presque servir à indiquer l’heure, de sorte qu’au moindre dérangement de cette marche uniforme, il faut être sur ses gardes. Les ouragans sont annoncés par une rapide succession de hausses ou de baisses légères. Une hausse marquée, de quelque durée, précède ensuite la baisse progressive du niveau du mercure, qui avertit qu’on est entré dans le cercle de la tempête.

L’apparition de nombreux cirrus qui se dissolvent et donnent au ciel une couleur laiteuse doit éveiller l’attention dans toutes les régions. Il y a ensuite dans chacune d’elles des pronostics particuliers, qu’on trouve réunies en tableau dans les Guides spéciaux[1]. Un des plus fréquents est la teinte rouge cuivré des nuages. Toute houle qui ne correspond pas au vent régnant doit donner l’éveil.

Plusieurs ouvrages ont donné, dès le commencement du siècle, des indications sur les tempêtes dans lesquelles le vent a un mouvement rotatoire. Les Observations sur les vents et les moussons, que publia Capper, en 1801, étaient surtout remarquables. Mais, en 1834 seulement, le physicien américain Redfield définit, avec une précision scientifique, la nature et la marche des cyclones, d’après de nombreuses séries d’observations. Il montra que la rotation de la grande masse d’air qui constitue ces météores a lieu en sens inverse dans les deux hémisphères, qu’elle s’effectue constamment de l’ouest à l’est, en passant par le sud, ou en sens inverse du mouvement des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère boréal, de l’ouest à l’est, en passant par le nord, c’est-à-dire dans le sens du mouvement des aiguilles, dans l’hémisphère austral.

Il fut établi aussi que la translation normale des cyclones a lieu de chaque côté de l’équateur, où ils prennent naissance en général, suivant une parabole qui a pour axe un parallèle, et dont la convexité est tournée du côté de l’ouest. En moyenne, le sommet est situé sur le parallèle de 30° dans l’hémisphère Nord, et sur celui de 26° dans l’hémisphère Sud. La seconde branche de la courbe a fréquemment une plus grande étendue que la première.

Le diamètre des cyclones, la vitesse de rotation et leur vitesse de translation sont très-différents. D’après les données les plus générales, le diamètre serait ordinairement, au début, d’environ 200 kilomètres ; il grandit en arrivant aux hautes latitudes et peut atteindre, 1 500 kilomètres. M. Keller[2], indique 15 à 45 kilomètres à l’heure, pour la vitesse de translation. Selon M. Bridet, elle ne serait que de 4 kilomètres près de l’équateur et s’élèverait progressivement jusqu’à 25 kilomètres. On a constaté à l’équateur des cyclones stationnaires. Dans les mers de Chine, les typhons subissent des influences locales si fortes que la forme de leurs trajectoires diffère beaucoup de celle que nous avons indiquée, et on constate fréquemment que ces météores s’approchent de l’équateur au lieu de s’en éloigner. Les observations d’un savant officier hollandais, M. Andrau, ont montré que, dans les hautes latitudes, la portion du tourbillon tournée vers l’équateur atteint seule la surface terrestre ; ce qui tiendrait à ce que l’axe de rotation conserve son parallélisme.

On a vu, dans la relation du cyclone de l’Amazone, qu’au centre se trouve un espace caractérisé par le calme et la baisse la plus forte du baromètre. Le niveau du mercure descend rarement aussi bas qu’il est descendu dans cette tempête, mais souvent il arrive à 710 millimètres environ. Autour de ce calme central, où la surface de l’eau est soulevée par une sorte d’aspiration, le vent, dans son mouvement circulaire et sa plus grande intensité, soulève une mer affreuse. M. Roux désigne plus particulièrement ce premier circuit sous le nom de zone de l’ouragan. Elle est enveloppée par une zone où le vent souffle en tempête et au dehors de laquelle se trouve la zone des grandes brises et des rafales.

  1. Guide du marin sur la loi des tempêtes, par Piddington, traduit par M. Chardonneau. Paris, Mallet-Bachelier, 1853. — Étude sur les ouragans de l’hémisphère austral, par M. Bridet, capitaine du port à Saint-Denis (Réunion), — Guide des ouragans, par M. Roux, capitaine de frégate. Paris, A. Bertrand, 1872.
  2. Des Ouragans, tornados, typhons et tempêtes, par Keller, ingénieur-hydrographe. (Annales maritimes, 1847).