Page:La Nature, 1873.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.
278
LA NATURE.

construits, et qui peuvent frapper à juste titre notre attention, nous devons citer, en première ligne, le grand télescope de l’Observatoire de Melbourne (Australie), dont les feuilles publiques des deux continents ont maintes fois entretenu leurs lecteurs. La Société royale d’Angleterre a bien voulu m’envoyer un exemplaire de la correspondance à laquelle la construction de ce télescope a donné lieu entre les astronomes d’Angleterre et d’Amérique. Ces documents me permettront de rapporter exactement son histoire.

Le projet de l’établissement de ce télescope remonte à l’année 1849. Dans la réunion de l’Association britannique de cette année à Birmingham, sous la présidence du révérend docteur Robinson, on avait pris la résolution de faire auprès du gouvernement de la reine des démarches ayant pour but d’établir un réflecteur, qui n’aurait pas moins de trois pieds d’ouverture, au cap de Bonne-Espérance, et de compléter le personnel de cet observatoire autant qu’il serait nécessaire au succès de l’entreprise. Cette résolution rencontra un cordial concours de la part du président du conseil de la Société royale, qui suggéra qu’il valait mieux ne pas désigner la localité précise dans l’hémisphère austral où l’on devait établir le télescope. Cette modification adoptée par le conseil, la requête fut présentée au comte Russell, alors premier lord de la trésorerie, par des représentants des deux sociétés, au commencement de 1850. Le gouvernement répondit que, bien qu’il comprît l’intérêt qui s’attachait à cette demande, il se présentait cependant tant de difficultés à propos des voies et moyens, qu’il ne serait pris aucune détermination sans une enquête ultérieure. Cette réponse ne fut pas jugée assez défavorable pour faire perdre l’espérance du succès, si l’on profitait d’une occasion propice pour tenter une nouvelle démarche. Aussi la question fut-elle de nouveau portée devant l’Association par le colonel (aujourd’hui général) sir Edward Sabine, dans son discours d’ouverture comme président de la réunion de Belfast, en 1852. Il en résulta que la requête fut une seconde fois présentée au gouvernement, en 1853, par une commission de l’Association britannique, agissant de concert avec la Société royale.

Le pays se trouva bientôt après engagé dans la guerre de Crimée. Il fut répondu qu’on ne pouvait pour le moment disposer d’aucun fonds, mais on promit de reprendre la question quand la guerre serait terminée. Naturellement il n’en fut rien : les gouvernements ne peuvent guère s’occuper de science !

Pendant ces négociations, la question avait été l’objet d’études sérieuses de la part de la Société royale, qui, dès sa séance du 25 novembre 1852 avait accueilli la résolution prise par le conseil de l’Association britannique de présider à la construction d’un grand télescope « destiné à l’observation de l’hémisphère céleste austral. » Dès le 15 décembre de la même année, nous trouvons une lettre de l’astronome Nasmyth à lord Rosse, avec un premier projet, accompagné d’un dessin, dans lequel on voit un télescope de 35 pieds de longueur muni à son extrémité supérieure d’une chaise à bascule dans laquelle l’observateur est assis. Ce télescope, construit dans le système newtonien, a son miroir placé à son extrémité inférieure ; l’astre vers lequel on le dirige est reproduit par ce miroir avec un agrandissement considérable ; pour voir cette image, il faut se placer au foyer, au bout du tube, à 35 pieds du miroir : à l’aide d’une lunette qui traverse ce tube et d’un petit miroir incliné, l’observateur voit, fortement agrandie, l’image de l’astre vers lequel ce télescope est dirigé. Cet observateur est rattaché au tube par sa chaise, ne fait qu’un pour ainsi dire avec son instrument, est emporté avec lui dans tous ses mouvements, en gardant toutefois, bien entendu, la position verticale, grâce au système de bascule qui permet à la dite chaise de tourner dans tous les sens. Ce système offrait quelque chose de hardi et d’original. Cependant il n’enflamma pas les membres de la commission.

Pendant plusieurs années on discuta le système que l’on adopterait pour cette construction, le diamètre du miroir, le métal dont il serait composé, la longueur du tube, le poids total de l’instrument et l’emplacement qui lui conviendrait le mieux dans l’hémisphère austral. Une question surtout était l’objet des discussions les plus vives, celle du prix auquel devrait revenir la construction d’un pareil instrument. Le gouvernement anglais ne se décidant à accorder aucune subvention, on en était réduit aux efforts particuliers, qui du reste devraient pouvoir être les meilleurs et suppléer à l’action gouvernementale. On estimait que le prix de revient dépasserait certainement 100,000 francs. Sur ces entrefaites, le désir de posséder un grand télescope se manifesta tout spécialement à l’Observatoire de Melbourne. Il y avait déjà quelques années que l’on s’était endormi sur ce projet, lorsqu’en 1862, l’attention fut réveillée par une proposition de cet observatoire, appuyé par la colonie Victoria. Le comité de la Société royale de Londres reprit la question interrompue, et la législature coloniale déclara qu’elle accordait une subvention de 125,000 francs. Une fois le projet adopté, on choisit pour constructeur M. Grubb, de Dublin, qui est le Secrétan de l’Irlande. Le traité fut signé avec lui en février 1866, et il fut convenu qu’un télescope de quatre pieds anglais serait livré à la commission à la fin de l’année 1867.

En étudiant les projets d’élaboration du nouvel instrument, M. Grubb et les membres de la commission arrivèrent à laisser de côté les systèmes en usage, qui ont donné cependant d’excellents résultats à l’astronomie sidérale, les télescopes newtoniens, dont ceux d’Herschel, de lord Rosse, de Foucault, de Lassell ne sont que des reproductions variées, et revinrent à une ancienne forme, qui n’était presque plus employée, celle de Gregory ou de Cassegrain. Dans ces deux derniers systèmes, défectueux à plu-