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LA NATURE.

question de construire un vaste fourneau en chaux, au sein duquel jailliront, à la fois, les dards de feu fournis par six chalumeaux à gaz à oxygène. Peut-être, comme le demande M. Tresca, fera-t-on auparavant des fusions distinctes ; on couperait en menus fragments les lingots obtenus et, afin d’obtenir une masse homogène, on en mélangerait intimement les morceaux avant de procéder à la fusion totale.

Tous les mètres internationaux seront identiques, on les façonnera dans les plus délicates conditions d’exactitude et de précision. Leur section ne sera pas rectangulaire, elle aura une forme en X qui assurera au barreau métallique une grande rigidité. Chaque règle de platine sera d’abord forgée à l’état de tige carrée ; le laminage préparera ensuite les quatre rainures de la barre, et cette opération aura l’avantage de lui assurer une parfaite homogénéité. « Après avoir soumis l’ébauche ainsi obtenue à un ou plusieurs recuits, le rabotage longitudinal permettra d’approcher de très-près de la forme définitive, et, dans cette opération, les moindres défauts seront dévoilés et mis à jour. Nécessaire pour l’obtention de la forme géométrique, ce rabotage constituera un moyen d’investigation tout à fait précieux et tout à fait sûr, un véritable sondage de tous les défauts, qui déterminera le départ à faire entre les règles complètement réussies et celle qu’il conviendrait de rejeter[1]. »

Les barres de platines iridié ainsi fabriquées auront 102 centimètres de longueur ; on y gravera, avec la plus grande précision, les deux divisions extrêmes du mètre. Chacun des mètres internationaux sera accompagné de deux thermomètres à mercure, isolés et comparés à un thermomètre à air. On emploiera la méthode de M. Fizeau pour déterminer la dilatation du métal : les prototypes devront être soumis aux procédés les plus précis, à l’aide desquels on mesurera leurs coefficients de dilatation absolue.

Nous n’entrerons pas dans les autres détails de construction que la Commission du mètre a étudiés et résolus, avec une précision digne du grand but qu’elle poursuit. Nous ajouterons seulement qu’en proclamant, au nom des nations civilisées, l’unité des mesures ; elle a fait œuvre de civilisation, de concorde et de progrès.

Gaston Tissandier.

LE PHYLLOXÉRA
ET LA NOUVELLE MALADIE DE LA VIGNE.

(Suite. — Voy. pages 4, 43, 57.)

II

Lorsqu’un vignoble commence à être atteint par le phylloxéra, plusieurs ceps, groupés en un point déterminé, s’y font remarquer par l’arrêt de leur végétation : les pousses qui, au printemps, se montraient pleines de promesses s’atrophient et se rabougrissent peu à peu, les grappes cessent d’annoncer une riche récolte et les feuilles jaunies forment tache au milieu de la plantation. C’est un premier centre d’attaque qui s’élargit sans cesse, et autour duquel tout s’étiole et se dessèche progressivement par zones concentriques successives, jusqu’aux dernières limites du champ.

Lorsque le mal sévit avec force, il n’est pas rare de voir plusieurs foyers d’infection naître simultanément dans le même vignoble, et, souvent, cette sorte de gangrène se déclare brusquement en des localités notablement éloignées des foyers déjà connus. Sous l’influence de ces deux modes de propagation, par contagion irradiante ou par sauts plus ou moins étendus, de vastes contrées ne tardent guère à être envahies sur tous les points et ruinées d’une manière complète.

Pour déterminer la cause du dépérissement des vignes, il faut, dans le courant de la belle saison, examiner de près les racines des ceps attaqués. On doit s’adresser de préférence à ceux de ces ceps qui présentent encore tous les signes extérieurs de bonne santé, mais situés sur la limite du cercle qui s’est formé autour du foyer initial dont la place est marquée par les pieds complétement desséchés. Les racines de ces ceps sains en apparence et à rameaux souvent chargés de récolte, se montrent couvertes de myriades de pucerons presque microscopiques qui ne sont autres que des phylloxéras. Les parties les plus ténues elles-mêmes, les radicelles, le chevelu disparaissent parfois sous une sorte d’écorce formée par l’accumulation des parasites, de leurs œufs et de leur progéniture aux divers états de son développement. Elles frappent encore l’attention de l’observateur par les boursouflures ou les renflements qu’elles présentent de distance en distance, et qui les font ressembler à des chapelets de grains fusiformes (fig. 1, 4). Cette apparence est tout à fait caractéristique et établit une distinction fondamentale entre la maladie actuelle et tous les autres genres d’altération des racines, observées jusqu’ici dans les vignes, tels que le blanquet ou pourridié du Comtat, reconnu aujourd’hui comme le fait d’un champignon souterrain, et la maladie de la Camargue qui paraît devoir être attribuée à l’excès de sel dans le sous-sol.

Le phylloxéra se comporte de la même manière que ces véritables sangsues des végétaux, connues sous le nom de pucerons, de cochenilles ou de kermès : il pique de son suçoir les parties jeunes des racines, pour aspirer et se nourrir des sucs qui les imprègnent. Ces piqûres multipliées irritent évidemment les tissus si délicats des organes d’absorption : la séve s’extravase, sa circulation devient irrégulière, le travail de nutrition des radicelles en voie d’accroissement, se trouble ; certains points de ces radicelles s’hypertrophient, et donnent bientôt naissance aux renflements caractéristiques dont nous

  1. M. Tresca, Note sur la forme qu’il convient de donner aux mètres que la Commission internationale doit construire. (Compte rendus de l’Académie des sciences, t. LXXV, P. 1223