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LA NATURE.
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de 33 pour 1 000, tandis que dans les campagnes elle monte à 52 pour 1 000.

M. Ricord lui demande s’il a établi dans ce tableau une différence entre les enfants illégitimes indigents et les enfants illégitimes qu’on envoie de la ville en province pour s’en débarrasser, ce qu’il appelle des infanticides par commission. M. Bertillon lui répond qu’il n’a pris que les enfants illégitimes nés dans le département même. Quant aux saisons, elles auraient, au point de vue de l’enfance, une influence contraire aux idées généralement admises ; car, d’après les tableaux de M. Bertillon, c’est dans les mois chauds qu’on trouve pour les enfants la plus forte mortalité.

M. Bertillon a cherché ensuite quelle pouvait être l’influence de la profession. Ne trouvant pas de documents en France, il en a emprunté à l’étranger et a trouvé dans une statistique anglaise que, dans la période de trente-cinq à quarante-cinq ans, c’est-à-dire dans la force de l’âge, la mortalité était de 6 pour 100 par an pour les pasteurs et les magistrats, 7 pour les fermiers, 9 pour le petit commerce et les épiciers, 10 pour les maçons, les cordonniers, les domestiques et les lords anglais, 13 pour les médecins et 19 pour les marchands de spiritueux, les aubergistes et autres métiers favorisant les excès alcooliques. Frappé de cette égalité étrange et inattendue du maçon et du noble lord anglais devant la mort, de trente-cinq à quarante-cinq ans, égalité qui n’existe plus aux autres périodes de la vie, M. Bertillon s’est demandé quelle pouvait en être la raison, et il en donne l’explication suivante : que, dans l’enfance et la vieillesse, les nobles anglais bénéficient, sans pouvoir en abuser, des bienfaits de la fortune, tandis que dans la force de l’âge ils en usent et en abusent et arrivent à mourir dans la même proportion que les maçons et les domestiques. M. Bertillon termine enfin cette fort intéressante communication par l’étude de l’influence du mariage et du nombre des enfants sur la mortalité, la criminalité et le suicide, et à ce dernier point de vue il démontre, tableau en main, que les suicides sont bien moins nombreux chez les époux ou les veufs qui ont des enfants.


LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La Nouvelle-Calédonie, l’une des îles les plus vastes de la Mélanésie, est comprise entre 20 et 23 degrés de latitude sud et les 161 et 164 degrés de longitude est méridien de Paris. Longue de 75 lieues et large de 13, elle présente une superficie de deux millions d’hectares, c’est-à-dire quarante fois l’étendue du département de la Seine. Entourée à une distance de vingt kilomètres par une ceinture de récifs madréporiques coupée seulement à l’embouchure des grands cours d’eau, l’île est partagée par de hautes montagnes en vallées étroites, sauf celles du Diahot, où coulent une multitude de rivières torrentueuses qui répandent sur leurs bords la plus luxuriante fécondité. Telle est en peu de mots la grande terre autour de laquelle est semé à des distances peu éloignées un certain nombre d’îles et d’archipels. À l’est, ce sont : l’île Nou ou Dubouzet, qui ferme le port de Nouméa, plus bas les trois îles Le Prédour, Hugon, et Ducos dans la baie de Saint-Vincent, l’île Ouen aux carrières de Jade ascien, dont les naturels faisaient autrefois leurs plus belles haches ; au sud, l’île des Pins, la Kunié des indigènes ; à l’ouest, l’archipel des Loyalty, composé des trois grandes îles : Maré, Lifou, et Uvéa, auquel se rattache plus haut le groupe des Belep ; enfin au nord, l’archipel des Neménas.

Découverte, le 4 septembre 1774, par Cook, qui débarqua à Balade, elle fut ensuite visitée à deux reprises par d’Entrecasteaux. Des catéchistes protestants avaient déjà vainement essayé de convertir les indigènes, lorsque nos missionnaires y débarquèrent en 1843. Leurs tentatives ne furent pas beaucoup plus heureuses, car ils étaient quatre ans plus tard forcés par un soulèvement général des naturels de se réfugier à l’île des Pins. En 1851, une embarcation de la corvette l’Alcmène, montée par treize matelots et deux enseignes, fut surprise par les indigènes ; nos malheureux compatriotes furent massacrés et leurs restes partagés entre ces cannibales, qui les dévorèrent. Les insultes répétées infligées à notre pavillon, les rapports des commandants de navires de guerre qui s’étaient avancés dans l’intérieur de l’île ou en avaient reconnu les côtes, les discussions à la Chambre sur le choix d’une colonie pénitentiaire, déterminèrent le gouvernement à prendre possession de la Nouvelle-Calédonie, et, le 1er mai 1853, le pavillon français y fut solennellement planté. Depuis cette époque, nous avons eu maintes fois maille à partir avec les indigènes, mais les châtiments répétés que nous leur avons infligés, ainsi que l’importance croissante de nos établissements et l’ouverture de nombreuses voies de communication à travers le pays, leur ont montré l’inanité de la résistance, et nous sommes aujourd’hui les maîtres incontestés d’une magnifique contrée qui pourra devenir, si le gouvernement persévère dans la voie inaugurée par le commandant actuel, M. de la Richerie, une de nos colonies les plus prospères.

Dans cette île montagneuse les sommets les plus élevés atteignent 1 500 mètres, les pentes sont douces et cultivables et les côtes sont découpées en criques d’un accès difficile, mais d’un excellent mouillage. Notre gravure, qui représente le port d’Oubatche, donne une juste idée de la magnificence des rivages de la Nouvelle-Calédonie, où des coteaux riants et luxuriants encadrent de véritables oasis de verdure.

Les ressources minérales sont d’une richesse prodigieuse. Ce sont : le grès, la pierre calcaire, les marbres gris, roses, blancs ou verts, l’ardoise, souvent d’assez mauvaise qualité, l’argile commune, dont on fait à Nouméa des briques et des tuiles, le kaolin, le fer qu’on ne pourra malheureuse-