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LA NATURE.

nuit. Le chasseur s’avance prudemment ; il se glisse entre les arbres, rampe de buisson en buisson, cherche à ne pas troubler ces oiseaux vigilants. Mais il a été entendu ; une agitation générale révèle l’approche de l’ennemi. Les cacatoës sentent qu’un danger les menace, sans savoir encore quel est ce danger. Le chasseur, arrivé au bord de l’eau, se montre alors à découvert. Tout le peuple ailé s’élance dans l’air, et, au même moment, le boumerang est lancé avec force. Il glisse en tournoyant à la surface de l’onde, puis monte en décrivant une courbe et arrive au milieu des oiseaux. Un second, un troisième, un quatrième sont lancés de même. En vain, surpris, les cacatoës cherchent à fuir ; le trajet en apparence capricieux de l’arme, paralyse leur fuite. Un est touché, puis un autre, puis un troisième ; ils tombent par terre, assommés, ou l’aile brisée. Ils crient de douleur et de colère, et ce n’est que quand le chasseur a achevé son œuvre, que le reste de la bande se rassemble, prend la fuite et va chercher un nouvel asile dans les cimes les plus touffues et les plus élevées. »

D’après le nombre de cacatoës que l’on voit vivants en Europe, on peut conclure que ces oiseaux sont faciles à prendre. Simplement nourris, ils supportent très-bien la captivité et les voyages. Quand on pense que chez nous, pour quelques dizaines de francs, on peut avoir un cacatoès de troisième ou de quatrième main, il faut en déduire que, dans leur patrie, leur prix est très-peu élevé.

Les cacatoës s’habituent vite à l’homme. Ils sont moins astucieux que les autres perroquets, et se montrent reconnaissants des bons traitements. Une mauvaise éducation seule les rend méchants et désagréables, et il est difficile de les corriger d’une mauvaise habitude. Leur excellente mémoire ne leur laisse rien oublier. Ils gardent le souvenir des injures ; une fois qu’un a perdu leur confiance, on ne peut plus la reconquérir. Ils sont rancuniers, et quelquefois même dangereux pour celui qui leur a fait du mal, C’est là peut-être le seul défaut des cacatoës. En somme, la douceur fait le fond de leur caractère.

Mais les cacatoës ont encore d’autres qualités : ce sont des oiseaux des mieux doués ; on les instruit aussi facilement que les perroquets les plus intelligents ; ils apprennent à parler ; ils savent joindre ensemble divers mots, et d’une manière sensée ; employer la phrase qui convient à la situation ; on peut leur enseigner divers tours d’adresse ; en un mot, ils sont intelligents à un haut degré.

Leur voix a quelque chose qui plaît ; ils prononcent avec douceur et avec des témoignages d’affection le mot cacadou, dont on a fait leur nom de famille. À la vérité, quand ils sont excités d’une façon ou d’une autre, ils crient d’une manière désagréable.

Bien soignés, les cacatoës peuvent être conservés longtemps ; on en cite un qui a vécu en Europe soixante-dix ans. Ils ne sont pas difficiles à nourrir, et s’habituent à tout régime. Mais il vaut mieux leur donner une nourriture simple : des grains, du riz cuit, un peu de biscuit, leur suffisent. Si leur alimentation est trop abondante, ils deviennent trop gras, et contractent, dit-on, toutes sortes de défauts, dont il devient difficile de les corriger. Ainsi, l’on prétend que les cacatoës que l’on nourrit de viande se déplument. Cette opinion est-elle fondée ? Je ne veux pas la discuter ; mais, dans tous les cas, bien des cacatoës ont cette détestable habitude. Ils s’arrachent toutes les plumes, et, celles-ci ne cessant de repousser, ils sont dans une mue continuelle, c’est-à-dire dans un état maladif. On ne connaît encore aucun remède efficace pour les empêcher de se mutiler de la sorte.

La chair des cacatoës passe pour un mets excellent ; le bouillon préparé avec cette chair est surtout très-vanté.

le cacatoës à huppe jaune.

Cette espèce est une de celles que l’on voit le plus souvent en captivité. C’est un assez grand oiseau, de 45 cent. de long, au plumage blanc éclatant. La huppe, les plumes qui recouvrent les oreilles, le milieu du ventre, les ailes et la partie radicale de la face interne des pennes caudales sont jaunes de soufre pâle ; le bec est noir ; les pattes sont d’un brun grisâtre.

Ce cacatoës s’est-il répandu de l’île de Van-Diemen, dans toute la Nouvelle-Hollande et jusque dans la Nouvelle-Guinée ? ou bien, sont-ce des espèces différentes, bien que semblables par le plumage, qui habitent ces diverses contrées ? la question est encore irrésolue. On a noté quelques différences dans la forme du bec, et cela semblerait confirmer la deuxième opinion. Le cacatoës de l’île de Van-Diemen est le plus grand ; c’est lui aussi qui a le bec le plus allongé ; le cacatoës de la Nouvelle-Guinée est le plus petit, son bec est court et arrondi.

D’après Could, le cacatoës à huppe jaune est commun dans toute l’Australie, sauf dans la partie occidentale.

Il vit en grandes bandes de plusieurs milliers d’individus, et paraît préférer les plaines découvertes et les bois peu touffus aux buissons de la côte.

le cacatoës de leadbeater.

Une seconde espèce, propre au continent australien, le cacatoës de Leadbeater, aussi nommé Cacatoës Inca (voir la gravure ci-contre), se distingue de la précédente par la splendeur de son plumage. Il est blanc, mais la partie antérieure de la tête, le front, les côtés du cou, le milieu et la face inférieure des ailes, le milieu du ventre, la partie radicale de la face interne des pennes caudales sont roses ; sous les ailes les plumes sont d’un beau rouge carmin. La huppe a des couleurs vives ; les plumes en sont d’un rouge brillant à la base, jaunes au milieu, blanches à l’extrémité. Lorsque l’oiseau baisse sa huppe, on n’en aperçoit que le blanc ; mais quand il la relève, le rouge apparaît, et le jaune forme une bande qui ajoute encore un ornement à cette partie. L’iris est