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LA NATURE.

ont une faible densité, inférieure à celle de l’eau ; ainsi la densité du sapin est de 0,5 celle de l’eau étant 1 ; celle du peuplier est de 0,4 ; celle de l’orme est 0,6 ; celle du chêne est 0,7 ; celle du tilleul est 0,6, etc. Les animaux étant composés de substances dans lesquelles l’eau entre pour la plus grande part, ont une densité moyenne un peu supérieure à celle de l’eau. Ainsi la densité moyenne du corps humain est de 1,07, celle de l’eau étant prise pour unité ; celle des os est de 1,8 ; celle des cartilages est de 1,1 ; celle des nerfs est de 1,4 ; celle de la graisse est de 0,9, etc.

Ajoutons que la densité intérieure de tout astre est nécessairement composée de couches variées dont la légèreté augmente depuis les régions centrales, jusqu’aux couches supérieures. C’est ainsi que tandis que la densité générale du globe terrestre est de 5,5 comparée à celle de l’eau, celle des matériaux qui avoisinent la surface (pierres, grès, calcaire, granite) est de 2,5 à 2,7. La même proportion doit exister sur Mars. L’eau y est plus légère qu’ici. La densité des corps organisés doit y être inférieure à 0,8 celle de l’eau y étant peu supérieure à 0,7.

Les animaux et les végétaux doivent y être de plus haute taille qu’ici, quoique la planète soit plus petite. Ce n’est pas le volume d’un globe qui règle les dimensions des êtres vivant à sa surface, mais l’intensité de la pesanteur relativement aux conditions de milieux et de vitalité. Ainsi des hommes deux fois plus hauts que nous auraient une certaine difficulté à marcher, et se casseraient fort souvent les jambes à cause de l’intensité de l’attraction terrestre. Il leur faudrait quatre jambes, pour une plus grande stabilité. Les quadrupèdes en effet peuvent dépasser ces proportions, exemple : chevaux, chameaux, éléphants. Les seuls animaux qui puissent marcher sur deux jambes, les singes anthropomorphes, sont d’une taille inférieure à la nôtre, et il est possible que l’homme ne soit arrivé à sa taille naturelle qu’après des siècles d’exercice et de développement. Cette taille décroît aujourd’hui dans les pays très-civilisés à cause de la vie citadine et de l’accroissement du système nerveux au détriment du système musculaire. Dans l’eau, les animaux peuvent atteindre des dimensions plus considérables, (exemple : cachalots, baleines) à cause de leur légèreté spécifique dans ce milieu. Le règne végétal nous montre certaines espèces d’arbres, qui s’élèvent à des hauteurs géantes, à cause de leur immobilité. Ainsi la taille des êtres est intimement et nécessairement déterminée par l’intensité de la pesanteur.

Il est donc probable que les choses sont établies sur une plus grande échelle à la surface de Mars et que les plantes et les animaux y sont beaucoup plus élevés qu’ici. Ce n’est pas à dire cependant pour cela que les hommes[1] y aient notre forme et soient des géants. En remontant à la formation de la série zoologique, on peut augurer, que la succession des espèces aura fortement subi l’influence de la pesanteur. Tandis qu’ici la grande majorité des races animales a dû rester clouée à la surface du sol par l’attraction terrestre, et qu’un bien petit nombre ont reçu le privilège de l’aile et du vol, il est bien probable qu’en raison de la disposition toute particulière des choses, la série zoologique martiale s’est développée de préférence par succession des espèces ailées. Dans ce cas, les races animales supérieures y sont munies d’ailes. Sur notre sphère sublunaire le vautour et le condor sont les rois du monde aérien ; là bas, les grandes races vertébrées, la race humaine elle-même, qui en est la résultante et la dernière expression, ont le privilège très-digne d’envie, de jouir de la locomotion aérienne. Le fait est d’autant plus probable qu’à la faiblesse de la pesanteur, s’ajoute encore l’existence d’une atmosphère analogue à la nôtre et peut-être plus dense.

Sur la terre, un corps qui tombe du haut d’une tour ou d’une fenêtre, parcourt 4 mètres 90 cent., dans la première seconde de chute. Sur Mars, le même corps, attiré moins fortement, ne tombe qu’avec une vitesse presque trois fois moindre. Soit en raison de 1 mètre 87 cent. dans la même unité de temps. Les tentatives faites pour s’élever dans les airs à l’aide d’ailes construites dans ce but, n’ont pas réussi sur notre planète et ne peuvent réussir, parce que la pesanteur nous fait tomber de 4 mètres 90 cent. dans une seconde, et que le mouvement des ailes s’appuyant sur l’air ne peut nous élever de la même quantité dans le même temps. Si l’on pouvait faire quatre battements d’ailes par seconde il suffirait de s’élever de 33 centimètres par battement[2] pour pouvoir se soutenir et planer. Or la force d’un cheval pouvant seulement élever le poids d’un homme pesant 75 kilogrammes de 1 mètre en une seconde, et la force de l’homme étant au plus le cinquième de celle du cheval, la force de l’homme ne monterait son propre poids en une seconde que d’un cinquième de mètre, ou de 20 centimètres. En un quart de seconde, elle ne s’élèverait que de 5 centimètres. Donc l’homme ne peut pas voler sur la terre par sa propre force musculaire.

Sur Mars l’intensité de la pesanteur étant presque trois fois moindre, au lieu de 33 centimètres, il suffirait de s’élever de 12 centimètres par battement d’ailes d’un quart de seconde pour pouvoir se soutenir dans l’air et planer. Or, le même effort musculaire, qui nous élèverait ici à 5 centimètres nous porterait là à 13 centimètres, ce qui serait déjà suffisant pour vaincre la pesanteur. Mais d’autre part, un poids de 75 kilog. n’en pèse que 28 kil. 65 à la surface de Mars. Si donc, nous supposions aux hommes de

  1. Je donne le nom d’hommes dans chaque planète aux êtres de la race animale raisonnable qui la domine, quelle que soit d’ailleurs leur forme extérieure, laquelle dépend de celle des ascendants zoologiques antérieurs.
  2. La chute des corps se fait par un mouvement uniformément accéléré. Dans le premier quart de seconde, il n’est que de 327 millimètres ; il est de 654 dans le deuxième quart, de 1308 dans le troisième, et de 2616 dans le quatrième. Total : 4m,90.