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LA NATURE.

nime aux habitués des express, et pourtant elle diminue des deux tiers la durée du voyage au Righi. Après une heure de navigation, le vapeur de Lucerne vous dépose à Vitznau ; quatre-vingts voyageurs s’entassent en hâte dans le vagon unique et l’on part. De minute en minute l’horizon s’élargit ; la voiture fermée de glaces sans tain, les sièges en amphithéâtre, laissent voir à chacun le panorama grandiose ; les chênes succèdent aux vignes, les hêtres remplacent les chênes ; on stoppe un instant devant le grand établissement balnéaire de Kaltbad, puis, au-dessus des hêtres, on entre dans la région des sapins ; l’air se refroidit, la flore alpestre le sature de parfums pénétrants ; on atteint les grands nuages qui reposent légèrement sur les flancs de la montagne, c’est une ascension en locomotive. La vapeur de la chaudière se mêle à celle des nuées ; échappés du foyer brûlant, les nuages humains vont retrouver leurs frères célestes, le soleil les illumine tous et les fait tous resplendir ; comme un léger aérostat, la machine, continue son voyage, reprend son vol, traverse les brumes et, une heure et demie après le départ, domine le sommet. On a la Suisse tout entière à ses pieds.

Charles Boissay.

LE TÉLÉGRAPHE D’AUSTRALIE


Le télégraphe qui relie l’Australie à l’Europe a été récemment terminé ; la réalisation de la communication entre Java et l’Australie et de là à Singapour ou Madras, n’a pas duré moins de cinq années ; elle a été la première étape de cette grande entreprise. Le point d’atterrissage du câble était, naturellement indiqué, au golfe de Carpentarie, d’où une ligne aérienne devait traverser tout le continent australien d’un bout à l’autre jusqu’à Melbourne, passant dans des localités désertes, sans eau et sans végétation. Les colons qui s’étaient aventurés dans le centre de l’Australie avaient perdu des quantités considérables de moutons par l’extrême sécheresse. Le manque de vivres se faisait aussi sentir, car il faut plus de trois mois de voyage avant d’y parvenir ; les chevaux y meurent de soif, aussi les colons ont fait venir des chameaux d’Afrique pour opérer les transports. Le télégraphe devait traverser 200 milles dans ces tristes régions. Il restait 1 100 milles, entre le lac Hope et la rivière Roper, qui étaient tout à fait inexplorés. La troisième section comprise entre la rivière Roper et le Port-Darwin sur la côte Nord, longue de 400 milles, avait été l’objet d’essais de colonisation peu fructueuse. Il y avait donc des difficultés accumulées sur toute cette ligne qu’il fallait établir à travers des pays sauvages.

La direction des travaux était confiée à M. Ch. Todd, directeur des postes et télégraphes d’Australie. Ils furent commencés il y a deux ans et demi, avec un crédit de trois millions de francs, voté par le parlement australien ; mais le gouvernement prit à sa charge la construction de la section du centre, celle qui offrait le plus de difficultés ; chaque poteau, chaque paquet de fil, tous les approvisionnements ont été apportés à travers des régions sans routes, ni sans eau. Cinq brigades, chacune de 200 hommes, tous habitués à la vie sauvage, furent expédiées d’Adélaïde, avec le matériel nécessaire et équipés pour un voyage à travers le continent. Ils avaient 800 chevaux ou bœufs avec 100 chameaux. En même temps, l’entrepreneur de la section du nord envoyait son personnel et son matériel par mer ; il plantait le premier poteau télégraphique le 15 septembre 1870 et s’avançait de suite dans l’intérieur.

Le représentant du gouvernement avait le droit d’annuler le marché conclu, s’il voyait que l’exécution n’allait pas assez rapidement. Usant de son pouvoir, il en résulta une position critique, par suite de suspension des travaux. Le personnel revint à Adélaïde ; il fallut tout recommencer au moment où tout devait être fini. Le gouvernement s’en chargea seul ; les désastres et les calamités vinrent de tout côté ; les bestiaux moururent, les pluies transformèrent le terrain en marécages et les rivières en torrents. Une troisième et une quatrième expédition furent organisées, sous la direction même de M. Todd, que n’arrêta, ni la perte d’une partie du matériel, ni les désagréments de la mauvaise saison.

À la fin de 1871, la section centrale était terminée et celle du sud s’avançait rapidement ; il ne restait qu’une solution de continuité de 300 milles ; en mai, un service d’estafette, organisé pour relier les deux tronçons, permit d’envoyer le premier télégramme le 22 de ce mois, en neuf jours, de Port-Darwin à la rivière Catherine, de là à Tennant-Creak, et enfin à Adélaïde. Mais au mois de juin, le fil se rompit, ce qui donna un moment d’anxiété aux courageux pionniers. Ils reprirent la besogne courageusement, et, le 22 août, après avoir posé les neuf derniers milles à la clarté de la lune, la communication était entièrement établie ; la soudure des deux sections se fit au mont Stuart, au point où l’explorateur de ce nom était passé dix ans auparavant. L’organisateur de cette gigantesque opération reçut des félicitations d’Adélaïde et en même temps de Londres, d’où les dépêches furent transmises en sept heures.


EXAMEN MICROSCOPIQUE
DU LIMON DÉPOSÉ PRENDANT LES CRUES DE LA SEINE.


Les eaux d’un fleuve qui éprouve une forte crue, entraînent avec elles une quantité de matières de toute nature ; ce sont principalement des particules extrêmement ténues, détachées par érosion des rives