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LA NATURE.

sances du Nord n’avait produit des hésitations qui ne seront, espérons-le, que temporaires. En effet, le Journal officiel de Stockholm a publié récemment un article qui semble indiquer que le gouvernement du Royaume-Uni comprend la nécessité de planter le drapeau de la vie humaine sur une terre, située juste à moitié chemin de l’Europe et du pôle Boréal. Cet archipel étrange, sans équivalent dans l’hémisphère austral, doit servir nécessairement d’étape aux explorateurs préoccupés de l’étude de ces régions inaccessibles, mais aussi pleines d’attraits qu’entourées de mystères et de dangers.

Il est à peu près impossible de dire de combien d’îles se compose le groupe du Spitzberg, car probablement on ne les connaît pas toutes. Il est à présumer qu’un certain nombre de fiords se prolongent en réalité jusqu’à la mer et sont des bras de l’océan Glacial, analogues au détroit de Hinlopen, qui sépare les deux terres principales, le Spitzberg occidental et la terre du nord-est, (Voy. la carte ci-contre).

Nous signalerons, au nord, l’archipel des Sept îles qui s’approche, comme on le voit du 81e degré, et qui, pendant l’hiver et le printemps, ne forme qu’une masse solide de glaces avec la terre principale. Tous les anciens explorateurs qui ont étudié le Spitzberg ; Ross, Parry, Martens et Phipp (plus tard lord Mulgrave), sont représentés dans cet archipel. Quant à Barentz, qui l’a découvert, il a donné son nom à une terre séparée du Spitzberg par le grand fiord (stor fiorden) et situé au sud-est de l’île du nord-est.

Pendant longtemps on croyait que cette masse de terres ne formait qu’une seule île ayant une trentaine de lieues de longueur, et suffisamment grande pour être consacrée au Christophe Colomb de cet archipel, mais on s’aperçut plus tard que la terre de Barentz était coupée en deux morceaux, par un détroit profond, celui de Walter Thymens. On donna à cette nouvelle terre le nom de Stans qu’elle gardera.

Nous citerons encore une île longue, montagneuse, située dans la direction du nord-ouest au sud-est, qui, si le Spitzberg était la Grèce, pourrait être comparée à l’Eubée. C’est le Foreland du prince Charles. Du cap Platen au cap sud, l’archipel possède environ une centaine de lieues, c’est un tiers de plus que la distance qui sépare Cobbe-Bay de l’extrémité orientale de l’avant-terre de Stans, et qui marque, par conséquent sa largeur. Sous des climats moins terribles, le Spitzberg serait un des archipels dont les nations maritimes se seraient disputé la possession avec le plus d’acharnement, mais les guerres qui désolent les Océans, ne se sont jamais étendues jusqu’à ces parages où le seul sang qui ait jamais coulé, est celui des baleines, des phoques et des ours blancs[1].

Les fiords sont innombrables, comme on doit le comprendre d’après ce que nous avons dit ; le premier que l’on rencontre sur la côte orientale est le Horn-Sound (sondage de la corne), où aborda Barentz lorsqu’il découvrit le Spitzberg, il y a deux cent cinquante ans.

À une vingtaine de lieues se trouve Bel Sound, où hiverna, il y a deux cent vingt ans, un Anglais nommé Pelham, qui a laissé une très-curieuse narration de ses aventures. Cette narration a été réimprimée, il n’y a pas plus de 25 ans, par une société anglaise, avec le plus grand succès. À une quinzaine de lieues plus au nord se trouve le fiord de la glace (Isfiord), dont nous avons déjà parlé. C’est là qu’on a découvert 18 marins morts de faim, au printemps de 1873. Leur journal, qui pourra satisfaire la sombre curiosité des amateurs de catastrophes, ne tardera point à être publié in-extenso. Versons en passant quelques larmes sur la tombe de ces martyrs du progrès.

Plus haut se trouve Cobbe-Bay qui a été étudié avec soin, par les derniers explorateurs Scandinaves. Magdalena-Bay, ainsi nommée en l’honneur d’un navire qui accompagnait l’Æole, dans la première, expédition de Nordenskiold. Enfin nous devons appeler l’attention sur les baies qui se trouvent à l’extrémité nord-ouest de l’archipel et nous ne pouvons en séparer les îles voisines. En effet, c’est dans cet archipel que, surtout dans la dernière moitié du dix septième siècle et dans la seconde moitié du dix-huitième, les pêcheurs de baleine s’étaient donné rendez-vous. Chaque nation avait adopté un cantonnement dont les limites étaient religieusement respectées, peut-être parce que les gouvernements ne s’étaient point imaginé d’aller y faire la police. Les Hollandais, les Scandinaves, les Anglais et même les Espagnols avec lesquels les Français étaient confondus, avaient leur stationnement. La découverte de la mer de Baffin a porté un coup de mort à cette prospérité. Il faut dire que les baleines y ont été pour quelque chose, car elles ont quitté les parages du Spitzberg, qu’elles affectionnaient, croyant être plus tranquilles dans ceux du Groënland. Il n’est plus guère resté au Spitzberg que les chasseurs de phoques et de morses.

Le détroit qui sépare l’île d’Amsterdam de la Grande-Terre, porte le nom singulièrement énergique de Smeeremberg, ce qui en Hollandais veut dire : montagne grasse ; ce nom, d’après les statisticiens de l’histoire des pêches, a été plus d’une fois mérité. Mais les beaux jours de la pêche sont passés pour le Spitzberg, et les baleines ne reviendront pas. Cet archipel doit donc trouver un autre genre de gloire et de prospérité.
La suite prochainement. —


ÉVAPORATION DE L’EAU
PAR LES FEUILLES.

En mesurant exactement la quantité d’eau qu’il faut employer pour maintenir constamment une plante dans de bonnes conditions d’humidité on ar-

  1. Les Anglais eurent une fois la velléité d’accaparer la pêche, mais cette tentative isolée ne donna point lieu à un conflit sanglant.