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est seulement soumis tant que nous vivons ; il disperse jusqu’à nos traces dès que la mort a fait sur nous son œuvre d’anéantissement. Nous n’avons point d’âme ! Alors qu’une vie nouvelle, plus sereine et plus enviable, sonne pour vous à l’heure de la déchéance de votre corps, nous et nos semblables des autres éléments nous sommes tout entiers anéantis par la mort dès l’instant où son aile nous a touchés. Insouciants et heureux de vivre, nous sommes gais cependant comme les oiseaux au clair soleil du printemps…

« Mais chacun aspire à plus qu’il ne possède. Mon père, un puissant prince de la Méditerranée, a voulu que sa fille unique acquît une âme, fût-ce au prix des plus cruelles souffrances réservées généralement aux hommes doués de ce sentiment profond. Or, les Ondines ne peuvent atteindre à ce but que grâce à l’amour d’un homme de la terre. Tu m’as aimée, tu m’aimes : j’ai désormais une âme et c’est par toi qu’elle s’est révélée. Je te rends grâce, ô mon bien-aimé, et éternellement je te garderai la même reconnaissance quel que soit l’avenir d’heur ou de malheur qui m’est réservé par toi.

« Maintenant que tu sais tout, que je me suis dépouillée à tes yeux de toute enveloppe de mensonge, maintenant aussi que tu connais et l’amour et la gratitude que je te garde, choisis, décide de nos deux destinées. Si tu veux qu’elles se poursuivent côte à côte, tu me verras, aimante et fidèle, près de toi ; si au contraire tu veux m’abandonner,