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pouvoirs divers que la société civile peut seule mettre en action, cette société civile est contraire à la volonté du Créateur ; et qu’il lui serait plus agréable que nous ne fussions pas sortis de l’état sauvage où ces pouvoirs resteraient engourdis dans notre sein comme la vie dans l’embryon pendant toute la durée de notre existence ? Cette conséquence paraîtra certainement extravagante et absurde[1] ; car, quoique le commerce et les arts nuisent en quelques occasions à la vie des hommes, en d’autres ils servent à la conserver ; ils subviennent aux besoins de la nature, sans rapine et sans violence ; et, en présentant aux habitans d’un même pays un intérêt commun, ils les empêchent de se diviser en ces tribus particulières qui, chez les peuples sauvages, se font perpétuellement la guerre avec une férocité inconnue : partout où existe le gouvernement civil, les connaissances et les arts ont adouci les mœurs des hommes. Il paraît donc raisonnable de conclure que les progrès des sciences et du commerce sont, en dernière analyse, un avantage pour tous les hommes, et que la perte de la vie qui peut en résulter pour quelques individus est au nombre des maux particuliers qui concourent au bien général. »

  1. C’est pourtant la conséquence qui résulte de tous les ouvrages de J.-J. Rousseau sur cette matière ; mais tout ce qu’il y a d’hommes sensés a toujours été de l’avis de M. Hawkesworte, et la simple vérité est préférable à des erreurs éloquentes.