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que les poisons en usage dans le pays, venaient de fort loin et s’achetaient fort cher ; que la quantité nécessaire pour empoisonner un homme revenait à la valeur de trois ou quatre esclaves ; que la méthode ordinaire pour l’employer était de le mêler dans l’eau ou dans quelque autre liqueur, qu’il fallait faire avaler à l’ennemi dont on voulait se défaire ; qu’on se mettait la dose du poison sous l’ongle du petit doigt, où elle pouvait être conservée long-temps, ne pénétrant point la peau, et qu’adroitement on trouvait le moyen de plonger le doigt dans la calebasse ou la tasse qui contenait la liqueur ; qu’au même instant le poison ne manquait pas de se dissoudre, et que son action était si forte, lorsqu’il était bien préparé, qu’il n’y avait point d’antidote qui put être assez tôt employé. Le caboche ajouta que les empoisonnemens n’étaient pas si communs dans le royaume de Juida que dans les autres pays nègres, non que les haines y fussent moins vives, mais à cause de la cherté du poison. Philips avait prié le roi, dès sa première audience, de ne pas permettre que les Anglais fussent exposés au poison. Ce prince avait ri de cette prière, et l’avait assuré que ce barbare usage n’était pas connu dans ses états. Cependant Philips observa qu’il refusait de boire dans la même tasse dont les Anglais et les cabochirs s’étaient servis, et que, si on lui présentait une bouteille de liqueur, il voulait que celui dont il l’avait reçue en essayât