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jet qui frappa leur vue fut un lion qui était fort près d’eux, et qui paraissait garder le bord de l’eau. Un moment de conseil sur un danger si pressant leur fit prendre le parti de se mettre à genoux devant ce terrible voisin, et d’une voix touchante ils lui firent le récit de leur infortune. Le lion parut touché de leur humiliation : il s’éloigna volontairement à quelque distance, et leur laissa la liberté de boire. Le plus hardi ne balança point à s’approcher de l’étang, où il remplit son flacon tandis que l’autre continuait ses prières. Ils passèrent ensuite à la vue du lion, sans qu’il fît le moindre mouvement pour leur nuire ; et, le jour d’après, ils arrivèrent heureusement à Larache.

La seconde aventure s’était passée à Florence. Un lion du grand-duc, étant sorti de la ménagerie, entra dans la ville, et y répandit beaucoup d’épouvante. Entre les fugitifs il se trouva une femme qui portait son enfant dans ses bras, et qui, dans l’excès de sa crainte, le laissa tomber. Le lion s’en saisit et paraissait prêt à le dévorer, lorsque la mère, transportée du plus tendre mouvement de la nature, retourna sur ses pas au mépris du danger, se jeta aux pieds du lion, et lui demanda son enfant. Il la regarda fixement : ses cris et ses pleurs semblèrent le toucher ; enfin il mit l’enfant à terre, et se retira sans lui avoir fait le moindre mal. Si ces deux histoires sont vraies, comme en effet elles sont possibles, le malheur et le désespoir