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chaient. Son maître, après avoir employé inutilement toutes sortes de moyens pour la dompter, résolut de l’exposer aux bêtes féroces de la ménagerie du grand-duc. On lâcha un lion dont le rugissement aurait d’abord effrayé tout autre animal ; mais la mule, sans paraître alarmée, se retira prudemment dans un coin de la cour, où elle ne pouvait être attaquée que par derrière, c’est-à-dire du côté de sa principale force : dans cette situation, elle attendit son ennemi, l’observant du coin de l’œil, et lui présentant la croupière. Le lion, qui parut sentir la difficulté de l’attaque, employa toute son adresse pour prendre ses avantages. Enfin la mule trouva le moment de lui lancer une si furieuse ruade, qu’elle lui brisa neuf ou dix dents dont on vit sauter les fragmens en l’air. Le roi des animaux s’aperçut qu’il n’était plus en état de combattre ; il ne pensa qu’à se retirer en arrière jusque dans sa loge, en laissant la mule maîtresse du champ de bataille.

La proie ordinaire du lion est une multitude de petits animaux, excepté lorsque étant pressé par la faim, il n’épargne rien. Il ne faut pas croire ce que dit Paul Lucas, et Labat après lui, que les lions respectent les femmes et prennent la fuite à leur vue. Paul Lucas raconte que, près de Tunis, il a vu les femmes du pays, sans autres armes que des bâtons et des pierres, poursuivre des lions pour leur faire quitter leur proie, et ces fiers ani-