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Les guiriots acquièrent ainsi des richesses, qui les distinguent beaucoup du commun des Nègres. Leurs femmes sont souvent mieux parées en verroteries de toutes sortes que les reines et les princesses ; mais la plupart poussent à l’excès le dérèglement des mœurs. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est qu’avec tant de passion pour la musique et tant de libéralitè à la payer, les Nègres méprisent les guinots jusqu’à leur refuser les honneurs communs de la sépulture. Au lieu de les enterrer, ils mettent leurs corps dans le trou de quelque arbre creux où ils ne sont pas long-temps à pourir. Ils donnent pour raison de cette conduite que les guiriots vivent dans un commerce familier avec le diable, que les Nègres nomment Horey. Il est assez singulier que l’on retrouve chez les barbares du Sénégal la même inconséquence qui porte quelques nations de l’Europe à flétrir les talens du théâtre qui font le charme des sociétés cultivées, et à croire quelque chose de diabolique à ceux qui ont l’art d’amuser les autres. Au reste, il paraît que tous les peuples de cette partie de l’Afrique sont dans les mêmes principes sur la profession des guiriots ; car ils se croiraient déshonorés d’avoir touché quelque instrument.

La danse n’est pas moins chère aux Nègres que la musique. Dans quelque lieu que le balafo se fasse entendre, on est sûr de trouver un grand concours de peuple qui s’assemble pour danser nuit et jour, jusqu’à ce que le mu-