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appris l’Alcoran par cœur à quinze ans, il en fit trois copies de sa main en Angleterre, sans autre modèle que celui qu’il portait dans sa tête, et sans se servir même de la première copie pour faire les deux autres. Il souriait lorsqu’il entendait parler d’oubli, comme d’une faiblesse dont il n’avait pas l’idée. Cette mémoire paraîtra moins surprenante, si l’on fait réflexion qu’ayant nécessairement peu d’idées acquises, celles qui se plaçaient dans sa tête s’y gravaient avec plus de facilité et moins de confusion. C’est par cette raison que dans la première jeunesse on apprend et l’on retient plus aisément ; l’organe est neuf, et l’esprit a moins de distractions. C’est quand les traces d’une infinité d’objets divers se sont multipliées dans le cerveau que leur nombre et leur variété commencent à nuire à leur ordre, qu’elles se confondent et s’effacent en même temps que l’organe perd de son énergie, comme la planche du graveur ne rend plus que des traits vagues et confus lorsqu’on en a trop renouvelé les empreintes.

Il avait cette sorte de compassion générale qui rend le cœur sensible à tout. Dans la conversation, il entendait la plaisanterie. Ses inclinations douces et religieuses n’excluaient pas le courage. Il racontait que, passant un jour dans le pays des Arabes avec quatre de ses domestiques, il avait été attaqué par quinze de ces vagabonds, qui sont une sorte de bandits ou de voleurs. Il se mit en défense,