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l’enferment, après l’avoir fait sécher, dans des puits fort profonds, qu’ils creusent dans le roc ou dans la terre. L’ouverture de ces trous n’a pas plus de largeur qu’il ne faut pour le passage d’un homme ; mais ils s’élargissent par degrés, à proportion de leur profondeur, qui est souvent de trente pieds : on les nomme matamors. Le fond et les côtés sont garnis de paille. Les Maures y mettent leur blé jusqu’à l’ouverture, qu’ils couvrent de bois, de planches et de paille et par-dessus, ils forment une couche de terre, sur laquelle ils sèment ou plantent quelque autre grain. Le blé se conserve long-temps dans ces greniers souterrains.

Les Maures nettoient fort soigneusement leur grain avant de le broyer entre deux pierres pour le réduire en farine. Leur pain se cuit sous la cendre, et leur usage est de le manger chaud. Ils font bouillir doucement leur riz dans un peu d’eau ; et, lorsqu’il est à demi cuit, ils le tirent du feu et le laissent ainsi comme en digestion. Dans cet état, il s’enfle sans se coaguler. N’ayant pas l’usage des cuillères, ils se servent de leurs doigts pour en prendre de petites parties qu’ils jettent fort adroitement dans leur bouche ; ils ne mangent que de la main droite, parce que l’autre est réservée pour des exercices qui ont moins de propreté : aussi ne se lavent-ils jamais la main gauche. Leurs viandes sont coupées en petits morceaux, avant qu’elles soient cuites, pour éviter la peine de se servir de cou-