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de Mme  de La Guette.

ne falloit pas en avoir le démenti. Mon second fils lui fit réponse qu’il avoit le timbre assez bon ; qu’il ne devoit rien craindre, et qu’il l’assuroit que messieurs les Allemands n’auroient point d’avantage sur lui. Ils firent le voyage et arrivèrent à la cour de M. l’électeur, où il fut bu extraordinairement, sans savoir ce qu’ils faisoient ; mais mon fils demeura ferme dans ses étriers et emporta la victoire. Je trouve que ce n’est pas une petite perfection que de bien boire. J’appelle bien boire quand on ne s’enivre point ; mais je fais si peu d’état de ceux qui perdent le jugement par le vin que je les considère moins qu’un escargot. Mon fils donc, qui avoit encore le jugement bon, prit la liberté, après la débauche faite, de passer dans l’appartement de madame l’électrice, où il y avoit grand monde. Il y rencontra une jeune demoiselle qui lui donna fortement dans la vue. Il s’approcha d’elle pour la cajoler. Cette belle personne ne lui fut point cruelle, et il sembloit qu’elle prenoit plaisir à l’entendre, car je ne doute pas qu’il ne fît de son côté tout son possible pour se rendre agréable. Quand il fut de retour de Flandre, il m’écrivit et me fit une relation de ce qui lui étoit arrivé en son voyage ; sur quoi je lui envoyai la réponse suivante :

« J’ai bien de la joie, mon fils, que vous soyez de retour en bonne santé, et que messieurs les Allemands aient vu ce que vous savez faire. Si je n’avois pas connu vos forces, j’aurois tremblé pour vous, sachant fort bien que la plupart de ceux de cette