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Mémoires

en étoit premier capitaine, et son cadet cornette, y repassèrent comme les autres quand le mariage du roi fut fait. Ils avoient tous deux une très-grande attache à la personne de M. de Marsin, ce qui a fait qu’ils ne l’ont pas abandonné. Il aimoit fort mon aîné, qui le considéroit comme une personne pour qui il auroit fait toutes choses. J’eus le déplaisir de les voir passer de ce côté-là ; mais il fallut m’en consoler, n’y pouvant pas remédier. Mon mari étoit toujours auprès de moi, qui tomba, par la suite du temps, dans la plus grande mélancolie qu’on puisse voir, quoi que je pusse faire pour l’en divertir. Il ne prenoit plaisir à rien, se voyant sans emploi, et n’osant aller à la cour sans l’ordre du roi, ce qui lui donnoit deux déplaisirs tout à fait sensibles. Enfin son chagrin l’emporta et le fit mourir d’une jaunisse épouvantable qui régnoit depuis la plante des pieds jusque dans les cheveux. Bon Dieu ! que je versois de larmes pendant sa maladie ! Le pauvre homme me consoloit tout de son mieux, quoique dans son âme il fût sensiblement touché de notre séparation. Il mourut sans mal ni douleur (ce qui semble incroyable, mais néanmoins c’est une vérité). Il finit ses jours de la sorte, en bon chrétien et fidèle catholique. Je me trouvai auprès de lui dans le moment qu’il étoit près de rendre l’âme. Je rassemblai toutes mes forces, et Dieu me fit la grâce que je l’exhortai d’une façon tout extraordinaire de passer de cette vie en l’autre avec une grande confiance en la bonté et miséricorde de