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de Mme  de La Guette.

lère : « Vous êtes un diable qui venez ici pour me tenter ; sortez, ou je vous ferai arrêter tout présentement. » J’étois tellement enflammée sous mon masque que je pensai lui sauter au visage. Il me dit qu’il ne se rebutoit pas pour cela, qu’il reviendroit chez moi à la campagne. Je lui répondis : « Si vous y venez pour ce sujet-là, je vous ferai étrangler par un dogue qui est dans la basse-cour. » Il ne savoit plus que me dire, et je le voyois fort décontenancé : je voulus savoir qui lui avoit dit que j’étois à Paris. À cela il me répondit fièrement que je ne faisois pas une démarche qu’on ne le sût, et que j’étois fort observée. Je repartis encore plus fièrement : « Je ne m’en mets guère en peine, car je ne crains rien. » Je lui demandai son nom. Il ne voulut jamais me le dire. C’étoit un homme fort bien fait, beau de visage et bien couvert. Quand il m’eut quittée, je le fis suivre par mon hôte. Il fut prendre son carrosse qui étoit à cinquante pas de là. Il avoit six grands laquais et deux pages vêtus de gris avec des galons d’argent. Je n’ai jamais pu savoir qui il étoit. Je crus qu’il venoit de la part de la Cour pour voir si je n’avois point d’intelligence en Flandre, à cause que mon mari y avoit passé.

Je fus dans le même moment trouver M. Philippe, que je priai de voir M. le Cardinal pour lui dire la chose comme elle étoit, et que je suppliois très-humblement son Éminence de ne point douter de ma fidélité, qui seroit inviolable pour le service du roi. Il me répondit qu’on en avoit trop de preuves