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Mémoires

maison. Elle me dit qu’elle obéiroit et que je ne me misse pas en peine. Je pars, là-dessus, pour aller trouver madame Molé ; nous soupâmes ensemble, et, aussitôt que nous fûmes hors de table, elle dit qu’il falloit que nous montassions à sa chambre jouer à de petits jeux pour nous divertir. Monsieur son fils, qui avoit toute sorte de complaisance pour elle, dit qu’il vouloit en être. (Je dirai, en passant, qu’il n’y a personne au monde qui ait eu plus de respect pour une mère que M. Molé en avoit pour la sienne, étant un des plus honnêtes et des plus généreux hommes que j’aie jamais connu.) Quand nous fûmes en train de bien rire, y ayant là de jeunes demoiselles qui ne demandoient autre chose, on vint à sonner le tocsin fortement. M. Molé me dit : « Madame, qu’est-ce que c’est que cela à l’heure qu’il est ? Seroit-ce des gens de guerre ? » Je dis : « Non, Monsieur ; c’est assurément le feu, et chez moi. » Il appela un laquais pour en savoir la vérité. Ce laquais dit que c’étoit le feu chez madame de La Guette. Je dis à M. Molé : « Allons, Monsieur, nous en aurons le passe-temps comme les autres. » Je n’en eus aucune émotion, ayant toujours été insensible à toutes sortes de pertes de biens. M. Molé me présenta la main, et je m’y en allai aussi gaiement que si ç’avoit été quelque bonne fête. Nous y trouvâmes plus de cent paysans qui faisoient tout de leur mieux pour éteindre le feu, à quoi Dieu permit qu’ils réussirent si bien qu’il y eut peu de dommage. Je les