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de Mme de La Guette.

il y eut des gens qui me voulurent donner l’épouvante de cet animal ; ce qui ne m’empêcha pas de passer outre avec ceux que j’avois menés. Je ne trouvai rien en chemin, qu’un grand nombre de personnes qui alloient par bandes, armées d’épieux, de fourches, de hallebardes, d’épées et de toutes sortes d’armes pour se défendre, en cas qu’ils eussent rencontré ce monstre.

Quand j’eus retiré mes filles du couvent, je revins à Montereau et m’embarquai pour Paris. À un quart de lieue de Melun, le bateau demeura au milieu de la rivière de Seine ; il y avoit beaucoup de monde dans la grande barque qu’on appelle le coche de Montereau. Il vint plusieurs petits bateaux pour prendre les gens qui y étoient. Je fis descendre mes filles les premières pour les mettre à bord avec ceux que j’avois avec moi ; mais, quand je voulus sortir pour descendre dans le petit bateau, je mis le pied sur le bord, ce qui le fit éloigner tout d’un coup, et je tombai dans le milieu de la rivière. Tous ceux qui étoient dans la grande barque crioient miséricorde, croyant que j’étois perdue et qu’il étoit impossible de me sauver. Je ne m’étonnai point du tout. Le batelier se jeta dans l’eau pour me secourir. Cependant, je tenois toujours ma tête courbée sur ma poitrine ; car j’étois tombée sur le dos. J’avois, par bonne fortune, un habit de satin qui me soutint quelque temps et m’empêcha d’enfoncer ; mais ce fut plutôt le grand Dieu qui me conserva et qui suscita un jeune homme pour