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de Mme  de La Guette.

de choses, je ne pus m’empêcher de lui dire qu’il avoit très-grand tort ; qu’il faisoit une offense très-grande de débaucher la femme de son prochain ; que Dieu punissoit tôt ou tard très-rigoureusement l’adultère ; que pour moi, j’étois résolue d’en avertir monsieur son mari afin qu’il pût observer madame sa femme, et que je lui conseillois en ami de retourner sur ses pas, ou bien qu’il ne s’en trouveroit pas bien. Il fut l’homme du monde le plus surpris de m’entendre parler de la sorte, et je crois qu’il avoit bien du déplaisir dans son âme d’avoir été si indiscret ; mais la mèche étoit découverte. Voilà à quoi les femmes mal avisées s’exposent ; car outre les péchés qu’elles commettent envers Dieu, elles se perdent entièrement de réputation. Enfin je fis tant que j’obligeai ce cavalier à rompre son méchant dessein. Son camarade n’en fut pas fâché, et m’avoua qu’il avoit fait son possible pour détourner sa folie, parce qu’il en craignoit une mauvaise suite. Ils résolurent tous deux de venir jusqu’à la couchée et de s’en retourner le lendemain de grand matin, car ils reconnurent bien que j’étois fort capable de faire ce que j’avois dit. Cela fit rentrer cet amant en lui-même, en sorte qu’il me promit qu’il n’y penseroit plus. M. de La Guette nous approcha et nous parlâmes d’autre chose. Nous soupâmes ensemble fort agréablement et prîmes congé les uns les autres dès le soir, et nous continuâmes notre chemin le lendemain pendant qu’ils s’en retournèrent en leur pays.