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Mémoires

bonheur pour lui, parce qu’on l’auroit arrêté s’il étoit allé à Sarlat. Quand mon fils y fut arrivé, il fut trouver M. le gouverneur, selon l’ordre qu’il en avoit reçu de M. le comte de Marsin. Il le retint à souper ; et comme lui et Mme sa femme l’aimoient beaucoup, il y mangeoit souvent. Ce soir-là, ils se régalèrent fort, ne se défiant point de la trahison qu’on leur fit la nuit même. Après que tout le monde fut couché, trois régiments d’infanterie, l’un à M. le Prince, l’autre à M. le prince de Conty, et l’autre à M. de Marsin, livrèrent les portes aux gens du roi, qui en peu de temps se rendirent maîtres de la place ; et comme il se fit un grand bruit par la ville, mon fils s’éveilla et courut en grande hâte, ses deux pistolets en ses mains, à la place d’armes. En approchant on lui demanda qui vive ? il répondit : Vive le roi et Condé ! On lui tira tout sur le champ plusieurs coups de pistolet, qui par la grâce de Dieu ne firent aucun effet. Il courut au plus vite à l’évêché, croyant y trouver quelqu’un de son parti ; mais au contraire il rencontra plusieurs officiers de ceux qui avoient livré la place, et qui lui dirent : « Monsieur de La Guette, il faut faire comme nous, ou vous êtes notre prisonnier. » « Je suis donc votre prisonnier, leur dit-il, puisqu’il le faut ; car il ne sera jamais dit que je trahisse ceux dont j’aurai embrassé le parti. » En cela il avoit raison ; car quand on a épousé les intérêts d’un parti, quoique mauvais, il y faut périr ou en sortir honorablement. Cependant le pauvre M.  de