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Mémoires

dant toujours que l’on mît sur table. J’avois grand’ faim ; mais rien ne venoit. J’ai su depuis que M. de La Roche Vernay avoit fait monter quelques cavaliers à cheval pour aller chercher du poisson, et qu’ils n’en purent trouver. À la fin, mes hôtesses firent mettre le couvert et servir à même temps ; la table fut couverte fort proprement ; mais les viandes n’étoient pas des plus exquises, puisqu’elles ne consistoient qu’en deux harengs blancs et un soret et environ demi-livre de prunes cuites. Nous fûmes servis à deux plats, comme l’on voit, qui étoit la nouvelle mode en ce temps-là. J’avoue qu’il n’y eut point d’assiettes volantes, car nous étions toutes fort pacifiques. Je demeurai sur mon appétit, avec dessein de me récompenser le soir si je trouvois de quoi. Ce n’est pas que je n’eusse la dernière obligation à M. le gouverneur, car il fit tout son possible pour me mieux régaler ; mais dans la guerre on ne trouve pas ce que l’on veut. Il s’en vint à la tête de trente chevaux et me dit : « Madame, voici votre escorte ; vous trouverez bon que j’en sois. » Je lui repartis : « Monsieur, vous me faites trop d’honneur. Je l’accepte de tout mon cœur. Je voudrois vous faire une prière auparavant que de partir, qui est de trouver bon que j’écrive un petit billet à M. le comte de Marsin et un à mon mari, et de vous en charger, s’il vous plaît, pour leur faire tenir au plustôt ; et j’en attendrai la réponse à Périgueux. » Il me promit qu’il n’y manqueroit pas.