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Mémoires

elles en assurance, et qu’il voyoit comme ma maison en étoit toute remplie ; que je n’avois pas même la liberté de ma chambre, et que j’étois obligée de coucher dans ma cuisine auprès du feu, avec un nombre d’habitants qui s’y étoient sauvés, craignant d’être rançonnés, dont j’étois fort incommodée. Il me répondit : « Il est vrai, Madame, qu’une femme a été violée par six coquins de cavaliers ; mais je m’en vas tout de ce pas trouver Monsieur le comte de Grancé pour en faire justice, afin que toutes les autres soient libres de retourner chez elles et que personne ne soit assez hardi de leur rien dire. » Les six cavaliers furent convaincus du fait, et l’on en passa un par les armes, pour servir d’exemple aux autres. Toutes les vieilles femmes s’en retournèrent en leurs maisons ; mais les jeunes et les filles demeurèrent chez moi pour plus grande assurance[1].

  1. L’auteur de la Lettre du père Michel… à monseigneur le duc d’Angoulême raconte la chose un peu différemment. Il est curieux de comparer son récit à celui de madame de La Guette. Voici d’abord comment le pamphlétaire parle du comte de Grancey : « C’est ce Vulcan malheureux et ce misérable boiteux qui a l’âme encore moins droite que le corps et que Dieu atteindra le premier aussitost que sa justice sera satisfaite de nostre persécution. Il a volé Lezigny et Panfou. Il a coupé jusques à des tableaux dans leur enchâssure pour les emporter, et n’a pas emporté les chasteaux et les maisons que parce qu’ils estoient attachez à la terre ; mais il les a désolez. C’est un homme dont les crimes ont fait connoître son nom, et qui n’a fait que des ennemis dans son propre pays, où la bassesse de son extraction le rend méprisable par les nobles et où le peuple déteste sa violence et son humeur tyrannique. Nous avons un de nos pères qui connoist sa race et qui nous a asseuré que le nom qu’il