Page:La Glèbe - Le diable est aux vaches.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 84 —

(Air : « Sur le grand mât d’une corvette » )


Au sein des plaisirs de la ville
Mon âme est comme un grand tombeau.
Je rêve au bonheur plus tranquille,
Et je regrette le hameau.
Du fond du cœur à ma paupière
Je sens des pleurs souvent monter :
Je me rappelle la chaumière
Et j’entends mes oiseaux chanter !

Quand l’impitoyable tristesse
Jette à mon front, son voile noir :
Quand l’amitié surtout me blesse ;
Quand dans mon âme il se fait soir :
Du fond du cœur à ma paupière
Je sens encor des pleurs monter :
Je me rappelle la chaumière —
J’entends mes sœurs gaiement causer !

Quand sur la ville étincelante
La lune au ciel vogue sans bruit ;
Quand sur la neige éblouissante
Rayonne doucement la nuit :
Encore une larme importune
Du fond du cœur monte toujours : —
Reverrai-je tes clairs de lune,
Ô ma chaumière, ô mes amours !

Le « scaler » (mesureur de bois) chanta ensuite, d’une voix non moins remuante,

Souvenirs du jeune âge,
Sont gravés dans mon cœur ;
Et je pense au village,
Où règne le bonheur…
...............

Cette nuit-là Jean ne dormit pas. Il se leva les yeux rouges, fit, tant bien que mal, son « pack » et, malgré le « tolle » général de ses camarades, il quitta précipitamment le chantier, profitant de l’occasion que lui offrait, pour sortir du bois, le draveur de provisions qui par le « tôte road » se rendait jusqu’au plus proche village. De là un postillon voitura Jean jusqu’au chemin de fer.