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Le Bouif errant

— Un poivrot, conclut Moloch. Quelle déchéance !

— Il se réveille, fit Cagliari. Apportez-moi vite le flacon numéro six qui est sur l’étagère des stimulants.

Il y eut un bruit de verres entre-choqués, qui dut intéresser le client, car il ouvrit un œil curieux et regarda l’étrange pièce.

— Je suis mort ! dit-il faiblement.

Puis il referma sa paupière pour se confirmer dans cette opinion. Le bruit des verres l’arracha de nouveau à sa torpeur.

— Un bistro ! murmura-t-il d’un air ravi. Je dois être interné au Ciel. Quel filon !

Mais la vue du docteur Cagliari détruisit immédiatement cette hypothèse.

— Vade Metro ! Vade Metro ! fit-il avec une expression d’effroi. On s’est trompé. Je suis innocent. J’ai fait de mal à personne dans ma vie. J’ai même rendu service à mon pays. On peut regarder sur mon livret militaire. On ne peut pas m’adresser ici. C’est une erreur d’aiguillage. Vade Metro !

Il s’efforçait de se rappeler une formule complète d’exorcisme pour conjurer le mauvais esprit.

Ce dernier paraissait s’amuser beaucoup.

— Voyons, fit-il, après avoir laissé son sujet invoquer successivement deux ou trois saints influents, calmez-vous. C’est la Providence qui vous a mis sur mon chemin. Comment vous sentez-vous, monsieur Bicard ?

Une stupeur infinie se manifesta sur le visage du client du docteur.

— Vous me connaissez donc ? dit-il.