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Le Bouif errant

comparer dans sa mémoire de chien l’odeur des vêtements, l’odeur de la sacoche, celle des billets de banque, et les miasmes personnels de Bicard à une autre odeur dont elle se souvenait olfactivement, en fermant les yeux de temps à autre, comme une personne qui repasse mentalement des souvenirs.

Le molosse avait de si belles dents que Bicard n’osait bouger ni attaquer, ni s’enfuir. Il restait cloué contre un arbre et ronchonnait :

— Chameau de klebs !… Qu’est-ce qu’il me veut ? À ta niche ! Ah si j’avais une boulette ou un broningue.

Tout à coup, une idée subite. Une de ces idées lumineuses, qui passent comme une inspiration dans la cervelle des désespérés, traversa l’esprit de Bicard.

— Attend un peu, fit-il au chien. Tiens, mon colon, connais-tu cela ?

Et sans prévenir il ouvrit le revers de son paletot et montra l’insigne de la Main-noire. Les Cinq Doigts et le Pouce menaçant.

— Tu piges ? continua le Bouif ? Sais-tu qui je suis à présent ?

le molosse ouvrit une gueule énorme, bâilla, poussa une sorte de plainte qui ressemblait aussi à un éclat de rire. Puis, tournant brusquement le dos, il partit à toute allure et disparut dans un sentier.

Le Bouif dut s’asseoir par terre de saisissement.

— Je suis verni. Je suis fadé. Je suis plein aux as. Ah, bon Dieu ! Tu parles d’un fétiche un peu là qui dégotte le poil d’éléphant et qui fiche le trac