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Le Bouif errant

non au mérite et à la compétence, mais à la taille.

Le ministère le plus important était attribué au plus grand homme politique. Le président du Conseil était un gaillard de près d’un mètre quatre-vingt-dix.

Les sous-secrétaires d’État ne dépassaient pas un mètre soixante.

Cette tradition était aussi une mesure d’économie. Car les uniformes des Excellences Carinthiennes étaient payés par l’État, au chapitre des dépenses somptuaires. Le mode d’élection ministériel permettait donc au même uniforme de servir à toute une génération de ministres ; or, comme la grande tenue officielle était excessivement coûteuse, cela évitait de grever trop lourdement le Trésor.

La vue de ces grands dignitaires rappela au Bouif l’époque de sa vie pendant laquelle il avait géré le Ministère des Relations Commerciales Extérieures.

— Messieurs, dit-il aimablement, avant d’occuper le grade que j’occupe, j’ai été garçon de bureau dans un ministère[1], ce qui me permet d’apprécier l’utilité des ministres, dont la principale qualité est de sustenter le fonctionnariat avec le lait des contribuables.

— Je salue en vous la mamelle nourricière de l’Administration, la machine à pressurer l’électeur, le rocher sur lequel se brise le flot des réclamations de la justice et l’irresponsabilité de l’incompétence, qui a toujours prévalu dans tous les pays civilisés et continuera à subsister dans tous les siècles des siècles, ainsi soit-il.

  1. Son Excellence le Bouif. (Ferenczi, éditeurs.)