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Suis pourtant ton dessein : je te loue, et moi-même
Je me dois applaudir du choix de ce que j’aime.
Patrocle et Briséis consolent mes chagrins :
Veuillent les dieux unir quelque jour nos destins !
Cependant, songe à toi dans cette âpre carrière
Je ne suis pas le seul qui t’en fais la prière ;
Tes jours touchent encor d’autres cœurs que le mien
Reviens victorieux du combat ; mais reviens.

PATROCLE.

Le sort en est le maître, il faut le laisser faire.
Qu’on soit dans les combats prudent ou téméraire,
On tombe également ; et souvent le danger
S’acharne sur celui qui veut se ménager.
Mais le danger n’est pas ce qu’il faut qu’on regarde :
La dépouille d’Hector vaut bien qu’on se hasarde.

ACHILLE.

Ami, pourquoi ce choix ? Qui t’oblige aujourd’hui,
Parmi tant de guerriers, de n’en vouloir qu’à lui ?

PATROCLE.

Quoi ! son bras tous les jours aux Grecs se fera craindre,
Tous les jours nous aurons de nouveaux morts à plaindre,
Vous absent, sur lui seul chacun aura les yeux,
Et je le pourrai voir sans en être envieux !
Lui seul, de ces remparts empêchera la prise !

ACHILLE.

Ami, te dis-je encor, laisse cette entreprise.
Ce n’est pas que je mette en doute ta vertu ;
Mais connais-tu cet homme, enfin, le connais-tu ?

PATROCLE.

Oui, Seigneur, je me jette en un péril extrême ;
Mais je prétends aussi me connaître moi-même.