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L’ingrate, pour le jour de sa nativité,
Joignait aux fleurs de sa beauté
Les trésors des jardins et des vertes campagnes,
J’espérais, cria-t-il, expirer à vos yeux ;
Mais je vous suis trop odieux,
Et ne m’étonne pas qu’ainsi que tout le reste
Vous me refusiez même un plaisir si funeste.
Mon père, après ma mort, et je l’en ai chargé,
Doit mettre à vos pieds l’héritage
Que votre cœur a négligé.
Je veux que l’on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien ;
Et que du reste de mon bien
Mes compagnons fondent un temple
Où votre image se contemple,
Renouvelant de fleurs l’autel à tout moment.
J’aurai près de ce temple un simple monument :
On gravera sur la bordure :
« Daphnis mourut d’amour. Passant, arrête-toi,
« Pleure, et dis : Celui-ci succomba sous la loi
« De la cruelle Alcimadure. »

À ces mots, par la Parque il se sentit atteint :
Il aurait poursuivi ; la douleur le prévint.
Son ingrate sortit triomphante et parée.
On voulut, mais en vain, l’arrêter un moment
Pour donner quelques pleurs au sort de son amant :
Elle insulta toujours au fils de Cythérée,
Menant dès ce soir même, au mépris de ses lois,
Ses compagnes danser autour de sa statue.
Le dieu tomba sur elle et l’accabla du poids :
Une voix sortit de la nue,
Écho redit ces mots dans les airs épandus :