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Toute peine, dit-on, est digne de loyer[1] :
Vois cet homme qui passe, il a de quoi payer ;
Adresse-lui tes dons, ils auront leur salaire.
Amorcé par le gain, notre fou s’en va faire
Même insulte à l’autre bourgeois.
On ne le paya pas en argent cette fois,
Maint estafier accourt : on vous happe notre homme,
On vous l’échine, on vous l’assomme.

Auprès des rois il est de pareils fous :
À vos dépens ils font rire le maître.
Pour réprimer leur babil, irez-vous
Les maltraiter ? Vous n’êtes pas peut-être
Assez puissant. Il faut les engager
À s’adresser à qui peut se venger.


XXIII

LE RENARD ANGLAIS

á madame harvey[2]

Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens ;
Avec cent qualités trop longues à déduire,
Une noblesse d’âme, un talent pour conduire
Et les affaires et les gens,
Une humeur franche et libre, et le don d’être amie.
Malgré Jupiter même et les temps orageux,
Tout cela méritait un éloge pompeux :
Il en eût été moins selon votre génie ;
La pompe vous déplaît, l’éloge vous ennuie.
J’ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux
Y coudre encore un mot ou deux
En faveur de votre patrie :

  1. De récompense.
  2. Élisabeth Montaigu, veuve du chevalier Harvey.