Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et la nécessité de porter sa maison.
Rongemaille (le rat eut à bon droit ce nom)
Coupe les nœuds du lacs : on peut penser la joie.
Le chasseur vient, et dit : Qui m’a ravi ma proie ?
Rongemaille, à ces mots, se retire en un trou,
Le corbeau sur un arbre, en un bois la gazelle ;
Et le chasseur à demi fou
De n’en avoir nulle nouvelle,
Aperçoit la tortue, et retient son courroux.
D’où vient, dit-il que je m’effraie ?
Je veux qu’à mon souper celle-ci me défraie.
Il la mit dans son sac. Elle eût payé pour tous,
Si le corbeau n’en eût averti la chevrette.
Celle-ci, quittant sa retraite,
Contrefait la boiteuse, et vient se présenter.
L’homme de suivre, et de jeter
Tout ce qui lui pesait : si bien que Rongemaille
Autour des nœuds du sac tant opère et travaille,
Qu’il délivre encore l’autre soeur,
Sur qui s’était fondé le souper du chasseur.

Pilpay conte qu’ainsi la chose s’est passée.
Pour peu que je voulusse invoquer Apollon,
J’en ferais, pour vous plaire, un ouvrage aussi long
Que l’Iliade ou l’Odyssée.
Rongemaille ferait le principal héros,
Quoiqu’à vrai dire ici chacun soit nécessaire.
Porte-maison l’infante y tient de tels propos,
Que monsieur du corbeau va faire
Office d’espion, et puis de messager.
La gazelle a d’ailleurs l’adresse d’engager
Le chasseur à donner du temps à Rongemaille.
Ainsi chacun dans son endroit