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Qui savez plaire en un degré suprême,
Vous que l’on aime à l’égal de soi-même
(Ceci soit dit sans nul soupçon d’amour,
Car c’est un mot banni de votre cour,
Laissons-le donc), agréez que ma muse,
Achève un jour cette ébauche confuse.
J’en ai placé l’idée et le projet,
Pour plus de grâce, au-devant d’un sujet
Où l’amitié donne de telles marques,
Et d’un tel prix, que leur simple récit
Peut quelque temps amuser votre esprit.
Non que ceci se passe entre monarques :
Ce que chez vous nous voyons estimer
N’est pas un roi qui ne sait point aimer ;
C’est un mortel qui sait mettre sa vie
Pour son ami. J’en vois peu de si bons.
Quatre animaux, vivant de compagnie,
Vont aux humains en donner des leçons.
 
La gazelle, le rat, le corbeau, la tortue,
Vivaient ensemble unis : douce société !
Le choix d’une demeure aux humains inconnue
Assurait leur félicité.
Mais quoi ! l’homme découvre enfin toutes retraites.
Soyez au milieu des déserts,
Au fond des eaux, au haut des airs,
Vous n’éviterez point ses embûches secrètes.
La gazelle s’allait ébattre, innocemment,
Quand un chien, maudit instrument
 Du plaisir barbare des hommes,
Vint sur l’herbe éventer les traces de ses pas.
Elle fuit. Et le rat, à l’heure du repas,
Dit aux amis restants : D’où vient que nous ne sommes