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Il croyait sa fortune faite :
Quand l’animal porte-sonnette,
Sauvage encore et tout grossier,
Avec ses ongles tout d’acier,
Prend le nez du chasseur, happe le pauvre sire.
Lui de crier ; chacun de rire,
Monarque et courtisans. Qui n’eût ri ? Quant à moi,
Je n’en eusse quitté ma part pour un empire.
Qu’un pape rie, en bonne foi
Je ne l’ose assurer ; mais je tiendrais un roi
Bien malheureux s’il n’osait rire :
C’est le plaisir des dieux. Malgré son noir souci,
Jupiter et le peuple immortel rit aussi.
Il en fit des éclats, à ce que dit l’histoire,
Quand Vulcain, clopinant, lui vint donner à boire.
Que le peuple immortel se montrât sage, ou non,
J’ai changé mon sujet avec juste raison ;
Car, puisqu’il s’agit de morale,
Que nous eût du chasseur l’aventure fatale
Enseigné de nouveau ? L’on a vu de tout temps
Plus de sots fauconniers que de rois indulgents.


XIII

LE RENARD, LES MOUCHES ET LE HÉRISSON

Aux traces de son sang un vieux hôte des bois,
Renard fin, subtil, et matois,
Blessé par des chasseurs, et tombé dans la fange,
Autrefois attira ce parasite ailé
Que nous avons mouche appelé.
Il accusait les dieux, et trouvait fort étrange
Que le sort à tel point le voulût affliger,
Et le fit aux mouches manger.