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Que pour le métier de mouton
Jamais aucun loup ne soupire ?

Ce qui m’étonne est qu’à huit ans
Un prince en fable ait mis la chose,
Pendant que sous mes cheveux blancs
Je fabrique à force de temps
Des vers moins sensés que sa prose.
Les traits dans sa fable semés
Ne sont en l’ouvrage du poëte
Ni tous ni si bien exprimés :
Sa louange en est plus complète.

De la chanter sur la musette,
C’est mon talent ; mais je m’attends
Que mon héros, dans peu de temps,
Me fera prendre la trompette.

Je ne suis pas un grand prophète,
Cependant je lis dans les cieux
Que bientôt ses faits glorieux
Demanderont plusieurs Homères :
Et ce temps-ci n’en produit guères.
Laissant à part tous ces mystères,
Essayons de conter la fable avec succès.
 
Le renard dit au loup : Notre cher, pour tout mets
J’ai souvent un vieux coq, ou de maigres poulets :
C’est une viande qui me lasse.
Tu fais meilleure chère avec moins de hasard :
J’approche des maisons ; tu te tiens à l’écart.
Apprends-moi ton métier, camarade, de grâce ;
Rends-moi le premier de ma race
Qui fournisse son croc de quelque mouton gras :
Tu ne me mettras point au nombre des ingrats.