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Haine, vengeance, et deuil, laissons tout à la porte.
Je suis contraint de déclarer,
Encor que ma douleur soit forte,
Que le tort vient de nous ; mon fils fut l’agresseur :
Mon fils ! non ; c’est le Sort qui du coup est l’auteur.
La Parque avait écrit de tout temps en son livre
Que l’un de nos enfants devait cesser de vivre,
L’autre de voir, par ce malheur.
Consolons-nous tous deux, et reviens dans ta cage.
Le perroquet dit : Sire roi,
Crois-tu qu’après un tel outrage
Je me doive fier à toi ?
Tu m’allègues le Sort : prétends-tu, par ta foi,
Me leurrer de l’appât d’un profane langage ?
Mais que la Providence, ou bien que le Destin
Règle les affaires du monde,
Il est écrit là-haut qu’au faîte de ce pin,
Ou dans quelque forêt profonde,
J’achèverai mes jours loin du fatal objet
Qui doit t’être un juste sujet
De haine et de fureur. Je sais que la vengeance
Est un morceau de roi ; car vous vivez en dieux.
Tu veux oublier cette offense ;
Je le crois ; cependant il me faut, pour le mieux,
Éviter ta main et tes yeux.
Sire roi, mon ami, va-t’en ; tu perds ta peine :
Ne me parle point de retour ;
L’absence est aussi bien un remède à la haine
Qu’un appareil contre l’amour.