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Deux demi-dieux, l’un fils et l’autre père,
De ces oiseaux faisaient leurs favoris.
L’âge liait une amitié sincère
Entre ces gens : les deux pères s’aimaient ;
Les deux enfants, malgré leur cœur frivole,
L’un avec l’autre aussi s’accoutumaient,
Nourris ensemble, et compagnons d’école.
C’était beaucoup d’honneur au jeune perroquet ;
Car l’enfant était prince, et son père monarque.
Par le tempérament que lui donna la Parque,
Il aimait les oiseaux. Un moineau fort coquet,
Et le plus amoureux de toute la province,
Faisait aussi sa part des délices du prince.
Ces deux rivaux un jour ensemble se jouants,
Comme il arrive aux jeunes gens,
Le jeu devint une querelle.
Le passereau, peu circonspect,
S’attira de tels coups de bec
Que, demi-mort et traînant l’aile,
On crut qu’il n’en pourrait guérir.
Le prince indigné fit mourir
Son perroquet. Le bruit en vint au père.
L’infortuné vieillard crie et se désespère,
Le tout en vain, ses cris sont superflus ;
L’oiseau parleur est déjà dans la barque :
Pour dire mieux, l’oiseau ne parlant plus
Fait qu’en fureur sur le fils du monarque
Son père s’en va fondre, et lui crève les yeux.
Il se sauve aussitôt, et choisit pour asile
Le haut d’un pin : là, dans le sein des dieux,
Il goûte sa vengeance en lieu sûr et tranquille.
Le roi lui-même y court, et dit pour l’attirer :
Ami, reviens chez moi ; que nous sert de pleurer ?