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La bergère perdait ses peines.
Le berger, qui par ses chansons
Eût attiré des inhumaines,
Crut, et crut mal, attirer des poissons.
Il leur chanta ceci : Citoyens de cette onde,
Laissez votre Naïade en sa grotte profonde ;
Venez voir un objet mille fois plus charmant.
Ne craignez point d’entrer aux prisons de la Belle :
Ce n’est qu’à nous qu’elle est cruelle.
Vous serez traités doucement ;
On n’en veut point à votre vie :
Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal ;
Et, quand à quelques-uns l’appât serait fatal,
Mourir des mains d’Annette est un sort que j’envie.
Ce discours éloquent ne fit pas grand effet ;
L’auditoire était sourd aussi bien que muet :
Tircis eut beau prêcher. Ses paroles miellées
S’en étant, aux vents envolées,
Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris ;
Voilà les poissons mis aux pieds de la bergère.

O vous, pasteurs d’humains et non pas de brebis,
Rois, qui croyez gagner par raison les esprits
D’une multitude étrangère,
Ce n’est jamais par là que l’on en vient à bout !
Il y faut une autre manière :
Servez-vous de vos rets ; la puissance fait tout.


XII

LES DEUX PERROQUETS, LE ROI ET SON FILS

Deux perroquets, l’un père et l’autre fils,
Du rôt d’un roi faisaient leur ordinaire ;