Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Thibaut l’agnelet passera,
Sans qu’à la broche je le mette ;
Et non-seulement lui, mais la mère qu’il tette,
Et le père qui l’engendra !

Ce loup avait raison. Est-il dit qu’on nous voie
Faire festin de toute proie,
Manger les animaux ; et nous les réduirons
Aux mets de l’âge d’or autant que nous pourrons ?
Ils n’auront ni croc ni marmite !
Bergers, bergers ! le loup n’a tort
Que quand il n’est pas le plus fort :
Voulez-vous qu’il vive en ermite ?


VII

L’ARAIGNÉE ET L’HIRONDELLE

Ô Jupiter, qui sus de ton cerveau,
Par un secret d’accouchement nouveau,
Tirer Pallas, jadis mon ennemie,
Entends ma plainte un fois en ta vie !
Progné[1] me vient enlever les morceaux ;
Caracolant, frisant l’air et les eaux,
Elle me prend mes mouches à ma porte :
Miennes je puis les dire ; et mon réseau
En serait plein sans ce maudit oiseau :
Je l’ai tissu de matière assez forte.
Ainsi, d’un discours insolent,
Se plaignait l’araignée autrefois tapissière,
Et qui lors étant filandière
Prétendait enlacer tout insecte volant.
La sœur de Philomèle, attentive à sa proie,

  1. L’hirondelle.