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Aille puiser son âme en un trésor commun :
Toutes sont donc de même trempe ;
Mais, agissant diversement
Selon l’organe seulement,
L’une s’élève, et l’autre rampe.
D’où vient donc que ce corps si bien organisé,
Ne put obliger son hôtesse
De s’unir au Soleil ? Un rat eut sa tendresse.

Tout débattu, tout bien pesé,
Les âmes des souris, et les âmes des belles
Sont très différentes entre elles ;
Il en faut revenir toujours à son destin,
C’est-à-dire à la loi par le ciel établie :
Parlez au diable, employez la magie,
Vous ne détournerez nul être de sa fin.


VIII

LE FOU QUI VEND LA SAGESSE

Jamais auprès des fous ne te mets à portée :
Je ne te puis donner un plus sage conseil.
Il n’est enseignement pareil
À celui-là de fuir une tête éventée.
On en voit souvent dans les cours :
Le prince y prend plaisir ; car ils donnent toujours
Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules.

Un fol allait criant par tous les carrefours
Qu’il vendait la sagesse et les mortels crédules
De courir à l’achat : chacun fut diligent.
On essuyait force grimaces ;
Puis on avait pour son argent,
Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses.